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quent et complètent le texte. Il convient en outre, pour déterminer ce qu’a d’original la philosophie de W. Hamilton, de la comparer avec celle des Ecossais et de Kant, dont elle relève ; pour l’apprécier, de lire au moins l’ouvrage de Stuart Mill traduit par Cazelles, et la réponse, dans le texte anglais, de H. L. Mansel aux attaques de Stuart Mill.

Si l’on pense que les candidats ont à étudier, en même temps que les auteurs et les thèses, toute la philosophie et toute l’histoire de la philosophie, pour les épreuves écrites, d’autant plus importantes qu’elles sont éliminatoires ; qu’ils ont en outre à préparer pour l’examen oral les leçons théoriques qui pourront leur être attribuées par le sort ; si l’on songe enfin qu’il n’y a que huit mois entre la publication du pro gramme et le concours, on sera forcé de reconnaître que la préparation des thèses ne saurait être sérieuse. Dès lors les candidats reproduiront, les leçons de leurs maîtres, si ceux-ci peuvent arriver quelque part — ce dont nous doutons beaucoup — à étudier toutes les thèses ; et ce seront les professeurs, et non les candidats, que le jury aura à apprécier ; ou ils seront obligés de s’eh rapporter à des ouvrages de seconde main d’après lesquels ils les prépareront plus ou moins superficiellement, Dans les deux cas, ils prendront l’habitude d’un travail superficiel et se contenteront de répéter ce qu’on aura dit avant eux ; ils chercheront uniquement à plaire à leurs juges, en exposant, avec toute l’élégance possible, les quelques idées, qu’ils se seront appropriées. Ils n’apprendront pas à faire des recherches personnelles, à traiter par eux-mêmes scientifiquement ou historiquement un sujet donné ; et les travaux originaux auxquels l’agrégation devrait préparer ceux d’entre les candidats qui se destinent à l’enseignement supérieur deviendront ainsi de plus en plus rares dans l’Université.

Dira-t-on que l’agrégation à seulement pour but de préparer des professeurs pour l’enseignement secondaire et qu’il suffit à un professeur de lycée d’avoir des connaissances générales sur l’histoire de la philosophie ? Nous ne partageons pas cette opinion, et nous croyons qu’on ne saurait intéresser les élèves si l’on est incapable de leur montrer quel quelquefois comment il convient de traiter à fond quelque sujet théorique ou historique. Mais, en supposant que nôtre manière de voir fût erronée, il y aurait lieu encore de se demander pourquoi on indiquerait des thèses sur un sujet particulier, lors que le programme de l’examen écrit comprend toute l’histoire de la philosophie et qu’on ne croit pas nécessaire de donner les mêmes indications pour les leçons théoriques que les candidats doivent faire, comme les thèses, après vingt-quatre heures de préparation.

Quel que soit donc le but qu’on croie devoir assigner à l’agrégation de philosophie, il semble bien qu’une réforme s’impose en ce qui concerne les thèses, et nous pensons qu’il est bon d’appeler l’attention de tous ceux que cette question intéresse sur le travail de M. Boutroux. Le programme de cette année nous a servi à justifier ses conclusions.