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idées. Ces textes assez courts peuvent donner lieu à un commentaire intéressant. Aussi personne ne cherche à en réclamer la suppression[1].

Les sujets de thèses inscrits cette année sont au nombre de sept :

1o La philosophie de Socrate, 2o Philosophie stoïcienne d’après le poème de Manilius, 3o Philosophie de Marc-Aurèle, 4o Philosophie de Moïse Maimonide, 5o Philosophie de Pascal, 6 Philosophie de Maine de Biran, 6o Philosophie de W. Hamilton.

L’ouvrage principal de Maimonide, le Guide des égarés (Dalalat al Haïrim) a été publié, avec une traduction française, par M. Munk (3 vol. , 1856, 1861, 1866) ; mais l’édition est actuellement épuisée, et les rares exemplaires qu’on pourrait se procurer d’occasion coûteraient 140 francs au minimum. Des ouvrages de W. Hamilton, M. Peisse n’a traduit que quelques fragments (390 pages sur près de 3 000). L’édition de ses œuvres, publiées par lui ou par ses disciples, est épuisée en Angleterre et ne peut être acquise pour moins de 100 francs.

Si l’on ajoute une centaine de francs pour l’achat des textes grecs, latins et français ; des œuvres de Maine de Biran, dont un volume, le quatrième de l’édition Cousin, est aujourd’hui épuisé ; de Marc-Aurèle, de Pascal et de Manilius ; enfin d’un certain nombre d’ouvrages nécessaires à la préparation de l’examen écrit ; si l’on tient compte aussi des dépenses que le candidat devra faire pour venir à Paris et y séjourner : au moins une quinzaine, on aura une somme de 800 francs qu’un professeur de collège ou un chargé de cours dans un lycée devra prélever sur un budget qui dépasse rarement 2 700 francs et sur lequel il est quelquefois obligé de faire vivre une femme et des enfants.

Il sera donc absolument impossible aux nombreux candidats de cette catégorie de se préparer convenablement au concours d’agrégation.

Venons maintenant aux élèves de l’École normale et des Facultés de Paris ou des départements qui pourront avoir à leur disposition les ouvrages dont manqueront leurs concurrents. Leur sera-t-il possible d’arriver, pour le mois d’août, à une préparation suffisante ?

La plupart d’entre eux devront étudier Maimonide dans la traduction française, et, quelle que soit la valeur de l’œuvre de M. Munk, on ne peut admettre que l’on arrive à une connaissance suffisante de Maimonide sans consulter le texte lui-même. Que serait en effet une thèse sur la métaphysique d’Aristote, faite uniquement d’après la traduction de MM. Pierron ou Barthélemy Saint-Hilaire ? Comment d’ailleurs comprendre Maimonide sans le replacer dans son milieu, entre les kabbalistes et les commentateurs d’Aristote, sans rechercher son influence sur les philosophes postérieurs, et notamment sur Spinoza ? Mais un tel travail, qui ne, manquerait certes pas d’intérêt, exigerait la connaissance de l’hébreu et de l’arabe, et ne saurait être fait, même superficiellement, par aucun des candidats qui se présentent ordinairement à l’agrégation de philosophie.

  1. Remarquons cependant que 45 pages sur 25 des Questions naturelles traitent de toute autre chose que de philosophie, et qu’il est très difficile de se procurer le livre d’Arnauld.