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grâce à ses « choses en soi », le mouvement idéaliste de la spéculation allemande. La philosophie peut et doit être scientifique, peut et doit embrasser toutes les sciences, en instituant la critique de toutes les vaines croyances métaphysiques, de toutes les abstractions que sans elle la science réaliserait. Elle est en somme la connaissance de la connaissance elle-même ; elle révèle la part d’anthropomorphisme que l’homme glisse dans la nature, elle est au centre de la science. Ainsi, transformés par cet esprit, les débris des systèmes passés, la logique, la métaphysique, l’éthique et l’esthétique, recevront la méthode scientifique et positive, et se dégageront des imaginations systématiques.

Quant à l’aspiration de l’homme vers un idéal de la vie et de l’humanité, elle ne périra point, car elle échappe à la critique scientifique, En effet, la science n’est point le tout de l’homme ; à côté de son domaine, il est un domaine de l’art, un domaine de la moralité, ayant leur ordonnance particulière, leur but, leur idéal, et collaborant à la réalisation de la vie désintéressée du savant et du penseur.

Avec quelque aisance dans le développement et un certain agrément de la forme, ce sont là autant d’idées dont la nouveauté est fort médiocre ; c’est d’ailleurs une exposition assez complète des prétentions des empiriques modernes, Nous sommes habitués à ces rêves de la philosophie positive, croyant enfin tenir son âge d’or, reniant ses devancières, et cependant systématique, quoi qu’elle en dise, comme celles qu’elle condamne et auxquelles elle doit le jour ; rêves inoffensifs et qui sentent un peu la présomption et l’ingratitude de la jeunesse. Libre à chacun de concevoir comme il l’entend la philosophie, sa tâche et sa méthode ; mais on à toujours tort lorsque l’on se prend à faire aussi bon marché de la tradition et à refaire l’histoire au bénéfice d’une thèse qu’on défend ; et, véritablement, l’histoire de la philosophie moderne se reconnaît à peine dans l’esquisse exclusive que nous en donne M. Riehl.

L. H.