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notices bibliographiques

leur véritable mission, les replacer dans la voie qui les mènera sûrement au bien et au beau ? — Il faut à M. Stöhr cette confiance et cet espoir pour se résigner à sa triste tâche de démolition impitoyable.

Le but que se propose M. Stöhr est indiqué dans la préface : il veut reprendre, mais en la poussant plus avant, la critique à laquelle Gassendi a soumis la res cogitans de Descartes. Citons (p. vi-viii) :

« La critique de Gassendi porte :

« 1o Sur la res cogitans dans tout l’ensemble des modi cogitandi.

« Je distingue au contraire tout d’abord les modi cogitandi de caractère mental des émotions, et ne m’occupe que des premiers.

« 2o Contre la conclusion de l’existence et des qualités des phénomènes psychiques à l’existence et aux qualités d’une substance psychique…

« Mes considérations s’attaqueront au contraire à l’existence des phénomènes psychiques eux-mêmes.

« 3o Contre l’existence de phénomènes psychiques indépendants de l’objet physique, avant, pendant ou après l’existence de l’homme sur la terre.

« Je discuterai au contraire toute existence d’une conscience mentale…

« 4o Contre la croyance que cogitare est mieux connu que l’être physique.

« Je ne trouve absolument pas en moi la croyance à l’existence du cogitare mental.

« 5o Contre la formule syllogistique : Ego cogito, igitur existo.

« Je me considère comme autorisé à n’accepter cette formule ni comme un syllogisme ni comme l’expression d’une vérité évidente. »

Voilà le but proposé ; voici maintenant qui donnera une idée du procédé de discussion (partie II, chap.  2, § 1, page 9-10) :

La conscience mentale existe-t-elle comme réalité ?

La conscience mentale est ou un nom vide de sens, ou un nom qui représente une réalité, laquelle porte toute réalité.

Considérer la conscience mentale comme une réalité, c’est s’engager dans des complications à l’infini : par exemple, la couleur est vue ; ceci veut dire : il y a à côté de la couleur phénoménale une conscience du phénomène.

La vision de la couleur est ou inconsciente (a) ou consciente (b).

Est-elle inconsciente, cela veut dire :

1o Il n’y a point de conscience de la vision, point de conscience du second degré.

2o La vision est inconsciente. Elle peut exister, mais ne saurait être objet d’une discussion…

Il faut donc, pour pouvoir parler de conscience, que la vision d’une couleur soit consciente.

La conscience de la vision de la couleur est ou inconsciente où consciente.