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notices bibliographiques

que les lois finissent toujours par se conformer aux coutumes, on doit admettre également que notre polygamie extralégale finira un jour par être consacrée par nos codes » (p. 424). Je ne peux reproduire ici les arguments donnés par l’auteur à l’appui de sa thèse dans ce curieux chapitre, où il se flatte d’ailleurs de montrer impartialement le revers de la médaille.

Il serait de toute injustice de terminer cette courte notice sans dire un mot de la superbe exécution typographique de l’ouvrage. Les nombreuses gravures intercalées dans le texte, dont beaucoup reproduisent des aquarelles ou photographies de l’auteur, achèvent de rendre la lecture de ce livre attrayante et suggestive.

Th. R.

Masseron (Isid.).Danger et nécessité du socialisme. — Paris, Félix Alcan, 1883, in-18, xii-401 pages.

Voici un livre qui peut être utile à tout le monde et par conséquent surtout aux philosophes ; c’est un tableau en raccourci des différentes conceptions socialistes, depuis Saint-Simon jusqu’à nos jours ; un exposé sommaire, mais suffisamment développé, des grandes lignes de ces théories présentées d’ailleurs dans leur développement historique et accompagnées de détails sur la personnalité de leurs auteurs.

Ce sont là des questions qu’on ignore souvent en très grande partie, parce que, il faut le dire, elles sont attristantes ; qu’on n’est, par suite, nullement enclin à les approfondir. L’histoire des utopies ne tente guère la curiosité, alors qu’elles entraînent des conséquences au moins dangereuses ; on préfère se nier à soi-même l’existence de problèmes dont la périlleuse discussion, au lieu d’avancer la solution, la retarde souvent, en éveillant les craintes de tous ceux dont elle semble menacer les intérêts ; on aime mieux se rejeter dans les paisibles domaines de la Science pure, et s’efforcer vers les « temples sereins » qu’elle élève au-dessus du conflit des passions humaines.

Le livre de M. Masseron possède, à mes yeux, surtout cet avantage qu’il masque, autant qu’il est possible de le faire sans inexactitude, le côté alarmant du socialisme. Le style est facile, et la lecture du livre est presque attrayante. On y sent la personnalité d’un homme déjà âgé, mais conservant la chaleur et la bonne humeur de la jeunesse ; un heureux tempérament, naturellement éclectique, indulgent pour l’erreur, et y cherchant avec bienveillance la faible part de vérité qu’elle peut contenir.

Les ancêtres des socialistes actuels, de Saint-Simon à Pierre Leroux, revendiquaient, comme on sait, le titre de philosophes, et la plupart le méritaient pleinement, On peut même dire que ce sont eux qui en France jouent le rôle le plus important dans le mouvement philosophique de la première moitié du siècle, puisque le fondateur du positivisme appartient à leurs rangs. Quelles qu’aient été ses erreurs, on ne peut