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notices bibliographiques

sans cesse après s’être faites et qu’on négligera dans cent ans, » Ce jugement bien sévère et décourageant ne semble pas admis par M. Le Bon. Il pense que les mêmes méthodes qui permettent de reconstituer un animal avec quelques débris de son squelette sont applicables à l’histoire et que l’apparition de certains caractères implique toujours l’existence de certains autres ; qu’il y a donc, en définitive, quelque appui solide pour une reconstruction et une explication. Mais cette méthode doit conduire à une conception fort différente de celle qui a cours actuellement : « Il est aisé de prévoir que les historiens de l’avenir écriront des livres fort différents de ceux d’aujourd’hui. Dans les histoires de la civilisation du xxe siècle, le texte sera réduit sans doute au titre de l’ouvrage et remplacé par des collections de photographies, de cartes et de courbes graphiques représentant les variations numériques de tous les phénomènes sociaux. Une grandeur quelconque, force, poids, durée, peut toujours être exprimée par un chiffre ou par une ligne. Ii n’est pas de phénomène psychologique et social, si complexe qu’on le suppose qui ne puisse être également considéré comme une valeur susceptible d’être traduite numériquement. Il suffit de le décomposer en ses éléments essentiels pour lui trouver une mesure. La statistique est assurément la moins avancée de toutes les sciences nouvelles en voie de formation : ce qu’elle nous apprend déjà permet de pressentir cependant ce qu’elle pourra nous enseigner un jour. La production et la consommation d’un pays, sa richesse, ses besoins, les aptitudes physiques ou morales de la race qui l’habite, les variations de ses sentiments et de ses croyances, l’influence des différents facteurs pouvant agir sur elle nous sont clairement révélés par les chiffres que les statisticiens réunissent aujourd’hui. » Il n’est pas sans intérêt de rapprocher cette thèse de celle qui a été développée récemment, ici même, par M. Tarde dans son article sur « l’archéologie et la statistique » (novembre 1883) ; le lecteur y trouvera des conclusions presque analogues.

Il sortirait du cadre de cette Revue de suivre l’auteur dans son exposé de l’histoire des Arabes, à travers les divers pays qu’ils ont occupés depuis leur origine jusqu’à leur décadence, Nous le féliciterons seulement d’avoir insisté plus qu’on ne le fait d’ordinaire sur les caractères psychologiques de la race, dont l’importance est beaucoup trop souvent méconnue par l’ethnologie (voir en particulier p. 30 et suivantes),

La partie du livre consacrée à l’étude sociologique des Arabes (mœurs et coutumes, institutions politiques et sociales, femmes et famille, religion et morale) est écrite dans un esprit extrêmement libre auteur leur est en général très favorable ; on sent qu’il les a étudiés sur place dans divers voyages et qu’il en a gardé une impression sympathique. « L’observation, dit-il, démontre que la valeur des institutions politiques et sociales des diverses notions est tout à fait relative et que celles qui sont excellentes pour les unes sont souvent détestables pour les autres… Les institutions, n’étant que l’expression des besoins et des sentiments de la nation où elles ont pris naissance, ne peuvent changer