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ANALYSES.fouillée. L’idée du droit.

tisme, qu’ils prennent la forme de l’égoïsme ou celle de la charité, font ainsi place au libéralisme du droit, fondé sur une commune reconnaissance et sur une commune limitation des libertés ou des consciences, condition de leur union même dans la société. Par cette superposition de toutes les doctrines en un seul et même édifice aux assises diversement élevées, nous faisons non de l’éclectisme arbitraire, mais une synthèse scientifique et métaphysique, où chaque point de vue de la pensée a sa place déterminée et démontrée. Les lois de la force viennent se suspendre aux lois de l’intérêt, celles de l’intérêt aux lois de la vie et de l’organisme social, celles de la vie aux lois de la pensée et du déterminisme scientifique, celles de la pensée et du déterminisme à un idéal de liberté et de volonté universelle, dont la réalité demeure pour nous un problème et qui pourtant, en limitant nos égoïsmes par la justice égale pour tous, rend possible l’expansion ultérieure de la bonté. Dans l’équation universelle, dont chaque action est une solution conjecturale, les naturalistes négligent entièrement l’ inévitable et insoluble, l’ attaché au fait même d’avoir conscience ; nous montrons que cet a, pour la pensée et l’action, un rôle restrictif qu’on peut déterminer, et qu’ensuite sa valeur positive peut être induite hypothétiquement, par le prolongement de la direction constatée dans la série entière des phénomènes. Nous croyons par là réconcilier le kantisme bien entendu et l’évolutionnisme bien entendu, qui sont aujourd’hui les deux seules positions possibles de la pensée. Ces positions ne s’excluent pas à nos yeux et, au contraire, se complètent mutuellement, L’évolutionnisme est la base de la pyramide, le sommet est l’idée de la conscience mécaniquement inexplicable, idée admise d’ailleurs par Spencer lui-même, mais laissée par lui à l’état mort et confondue avec la conscience de l’absolu ou, ce qui est plus étrange, de la force absolue. »

Le caractère compréhensif de la doctrine contenue dans ce livre fait qu’un résumé est nécessairement incomplet et, par cela même, toujours un peu infidèle. Nous avons pourtant cru utile d’indiquer l’idée dominante du livre, qui n’a pas toujours été bien comprise, n’ayant été saisie que par fragments. Cette idée ne sera utilement discutée que si on l’embrasse tout entière. Ajoutons, en terminant, que l’auteur s’efforce de répondre aux principales objections qui lui ont été adressées, notamment à celles de MM. Sidgwick, Jodi, Renouvier, Janet, Espinas, etc. Sous tous les rapports, la seconde édition est le développement et le complément de la première.

X.