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ANALYSES.fouillée. L’idée du droit.

même pour déterminer ses propres limites, donne et les principes et l’exemple de cet esprit scientifique qui étudie sans se laisser dévier par aucune tendance étrangère à sa propre fin.

Telles sont, fidèlement reproduites, les considérations qui ont amené M. Cantoni à penser qu’il serait très utile de faire revivre en Italie l’esprit critique et les études kantiennes. Ce serait utile non pas à la philosophie seulement, mais à toute recherche en général. Kant n’a pas donné partout, il est vrai, la solution la meilleure ; il n’on faut pas moins faire de l’étude de ses œuvres l’introduction à tout progrès nouveau.

À en juger par cet aperçu sommaire d’un ouvrage, sur lequel je serais heureux de revenir, quand il sera complet, pour en discuter quelques parties, ne pourrait-on exprimer déjà le vœu de le voir traduire un jour. Sans doute ce n’est que l’œuvre d’un commentateur ; mais elle semble propre à rendre, même en France, les plus grands services et il serait assez piquant de recourir à la clarté italienne pour mieux pénétrer les obscurités de la philosophie allemande. Sans doute encore tout le monde sait l’italien. Il serait cependant plus agréable et et plus facile de lire de tels livres en bon français.

A. Penjon.

Fouillée (Alfred). L’idée moderne du droit. 2e édition. Hachette et Cie.

Cette nouvelle édition contient des changements et des additions de grande importance. Le plan a été modifié. Le livre premier est maintenant intitulé : La psychologie des peuples et la philosophie du droit. L’auteur y a groupé, en les complétant et en les confirmant, ses observations sur l’histoire des théories du droit, soit en Allemagne, soit en Angleterre, soit en France. De cette manière, la partie purement historique est plus distincte de la partie théorique, avec laquelle il importait de ne pas la confondre. Le côté philosophique du problème est aussi mieux dégagé des considérations nationales ou internationales : toute confusion des points de vue devient désormais impossible pour le lecteur.

Les autres livres renferment, d’abord la critique des principales conceptions du droit, puis l’exposition de la théorie propre à l’auteur. Dans cette théorie il a essayé de réunir, en une synthèse plus complète que celle de la première édition, les résultats légitimes de la philosophie évolutionniste et de la philosophie critique.

Son point de départ expérimental, qu’aucune doctrine ne peut nier, est ce fait que nous avons conscience. Ce fait, bien interprété, est selon lui le premier fondement du droit.

Quel est en effet l’objet de la conscience, au sens le plus large de ce mot, et quelle en est la limite ? — Elle se : pense, pense les autres consciences, pense le monde entier ; conséquemment elle à tout ensemble « un caractère individuel et une portée universelle », Elle ne se pose qu’en posant devant soi d’autres consciences semblables à elle-même ; elle ne se saisit qu’en société avec autrui[1].

  1. Cette « projection de la conscience » a été analysée par l’auteur dans la Liberté et le déterminisme, comme loi du passage à l’objectif.