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différentes parties de l’œuvre théorique de Kant, et avec entrain, avec clarté ; c’est comme un rayon de soleil du midi qui percerait et dissiperait les brumes du nord.

Dans le second volume, il s’était proposé de résumer et d’apprécier la Critique du jugement, la Critique de la raison pratique et les ouvrages qui s’y rattachent, la philosophie juridique et politique, la philosophie de la religion, la philosophie de l’histoire et l’anthropologie, C’était beaucoup pour un volume. Aussi s’est-il décidé à en publier deux, dont le premier, qui a paru en 1883 traite seulement des œuvres de morale, de droit et de politique. Sans doute, la Critique du jugement peut être considérée comme un intermédiaire entre les deux autres Critiques. Mais le savant professeur de Pavie a pensé qu’il se conformerait mieux au développement chronologique de la pensée kantienne en renvoyant à la fin du troisième et dernier volume l’étude de l’esthétique, et en exposant au début de ce même volume la philosophie religieuse qui se relie tout naturellement à la philosophie morale.

En attendant cette troisième partie, les deux volumes que nous avons forment déjà un tout complet. En dehors des cours non publiés de quelques maîtres éminents, en dehors de l’œuvre si considérable déjà de M. Renouvier, je ne connais rien France qui puisse se comparer à ce travail de M. Cantoni. Les raisons qui l’ont décidé à l’entreprendre n’ont cependant pas moins de valeur chez nous que chez nos voisins et nous aurions tout autant de profit à pouvoir bien connaître les œuvres du philosophe qui a définitivement renversé l’idole d’une réalité objective du temps et de l’espace, et le premier montré que nous avions plutôt le droit que le devoir de croire en Dieu et en l’immortalité : de l’âme.

M. Cantoni est très frappé de la réaction qui s’est produite et qui se continue depuis près de cinquante ans en faveur de Kant. Les successeurs de ce philosophe, en dénaturant plutôt qu’en développant sa doctrine, avaient fait triompher pour un moment l’idéalisme panthéiste. Avant de mourir ils ont pu voir la ruine de leur œuvre. On s’est remis à étudier la philosophie critique avec passion, on l’a de jour en jour mieux comprise, et il y a aujourd’hui en Allemagne une littérature kantienne qui n’est pas inférieure pour le nombre des ouvrages à la littérature dantesque en Italie. Ce réveil n’est pas l’effet d’un caprice. La méthode critique et ses résultats sont trop favorables au progrès de la philosophie et même des sciences pour qu’on la néglige à l’avenir. C’est pour contribuer au relèvement des études dans son pays que notre auteur s’est proposé d’en donné un exposé complet,

Ce n’est pas que la philosophie italienne, au xixe siècle, soit sans mérite ou même sans gloire. Mais elle n’est assurée de ne pas s’égarer en des recherches inutiles que si elle se met à l’école de Kant. Elle n’est pas restée tout à fait étrangère à la philosophie critique ; elle lui a a ouvert depuis longtemps la porte, au contraire, puisque dès le premier quart de ce siècle il paraissait à Pavie une traduction de la Raison