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ANALYSES.c. cantoni. Emmanuel Kant.

C. Cantoni. Emmanuele Kant. I. La Filosofia teoretica. II. La Filosofia pratica (Morale, Diretto, Politica). Milano, Brigola 1879-1883.

Il manquait à l’Italie une exposition complète de la philosophie kantienne ; M. Cantoniest en train de lui en donner une. Il ne lui a pas semblé que ce fût trop tard. Si un siècle bientôt s’est écoulé depuis la publication des trois critiques, elles n’ont point vieilli. « Je ne sais, disait G. de Humbolt, ce qui subsistera de l’œuvre propre de Kant ; mais assurément il ne subsistera rien de ce qu’il a détruit. » C’est à lui qu’il faudra toujours en revenir, soit qu’on veuille déterminer les limites de la connaissance humaine, soit qu’on discute sur les principes de la morale, du droit ou de l’esthétique, et la connaissance de sa doctrine sera désormais le point de départ de toute recherche en philosophie.

L’œuvre de M. Cantoni comprend déjà deux volumes, parus à quatre ans d’intervalle. Le premier traite de la philosophie théorique. Il contient un chapitre important sur les précurseurs de Kant, à commencer par Descartes, une étude sur la vie et le caractère du philosophe de Kœnigsberg, l’analyse de la « Critique de la raison pure », l’exposé de la philosophie de la nature et un tableau du développement ultérieur de la philosophie critique théorique. Notre auteur ne s’en tient pas à un résumé, d’ailleurs aussi fidèle que possible. Il apprécie en outre les résultats acquis par le progrès de la pensée kantienne ; il discute les opinions de ses commentateurs, et il le fait avec une vivacité qui donne à son livre un attrait tout particulier. Je signalerai, entre autres passages, le chapitre où il combat cette opinion de Bertini et d’Hegel, pour ne citer que ceux-là, d’après laquelle on peut bien donner une théorie, mais non pas une critique de la connaissance humaine. Hegel présentait cette objection sous cette forme un peu vulgaire : « Faire la critique de la connaissance, c’est vouloir connaître sans connaître à la façon de cet écolier qui ne voulait pas entrer dans l’eau sans savoir nager. » En d’autres termes une critique de la connaissance présuppose ce qui est en question et c’est se renfermer dans un cercle vicieux que de la tenter. M. Cantoni réfute cette accusation en montrant que Kant n’admet pas seulement la possibilité de la science en général, mais encore l’existence certaine de deux sciences, la physique et les mathématiques. Il lui est alors possible de déterminer ces conditions d’une science et de rechercher si la métaphysique remplit ses conditions. Il n’a pas voulu mettre en doute la véracité de la raison et se servir ensuite de cette même raison pour décider si l’on peut ou non s’en rapporter à ses jugements. Il prend pour point de départ cette opinion commune que la raison humaine est limitée, qu’elle est capable de vérité et d’erreurs il reconnaît ensuite dans l’esprit des causes permanentes et naturelles d’erreurs, et il s’en sert pour expliquer les illusions de la métaphysique ; voilà toute sa découverte. Les résultats de l’analytique transcendantale ont donné lieu à d’autres objections, ou pour mieux dire à d’autres méprises. M. Cantoni les passe en revue et les réduit à leur juste valeur. Il en fait autant pour les conclusions de la dialectique, pour les