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exclusivement à la philosophie en elle-même et à l’évolution de ses méthodes, il nous semble que l’émanatisme du dominicain et sa façon de le dégager des distinctions péripatéticiennes portent bien le cachet de la Renaissance, dont il serait le plus brillant produit spéculatif. L’opposition au dualisme cartésien n’est peut-être pas étrangère à cette tentative de révolution.

Nous approuvons l’auteur d’avoir exposé la doctrine kantienne du schématisme des catégories, que d’autres ont cru pouvoir négliger entièrement ; mais nous n’aimons pas l’entendre appeler cette matière une minutie. N’est-ce pas ce schématisme qui rend compte du déterminisme imposé par Kant au monde phénoménal ? Si le rapport de cause à effet ne se confondait pas nécessairement pour nous avec la succession dans le temps, rien ne nous empêcherait, suivant lui, d’admettre une causalité libre ici-bas, comme il l’établit ou prétend l’établir dans l’ordre intelligible.

Nous ne comprenons pas ce que signifie l’attribut objet transcendantal appliqué à la chose en soi. Transcendant ne serait-il pas le mot du texte ? Transcendantal ne se dit que d’une recherche, désignant celle qui porte non sur la représentation, mais sur la manière dont elle est acquise. La définition donnée à page 396 : « ce qui remonte au delà des doctrines sensualiste et idéaliste et peut apprécier les théories du dogmatisme, » ne nous semble pas bien nette, mais elle ne permettrait pas mieux d’appeler la chose en soi transcendentale.

S’il y a quelque luxe dans l’énumération des scolastiques, nous ne trouvons pas assez de noms propres dans la période suivante. Une exposition qui tiendrait à rendre sensible la genèse des systèmes ne pourrait pas négliger ceux de Bayle, de Gudworth, de Reinhold surtout, qui a construit de toutes pièces, en l’appliquant à la critique de la raison pure, la dialectique évolutive dont Fichte, Schelling, Hegel et leurs imitateurs ont constamment joué depuis.

Le parallélisme autrefois si goûté à Berlin entre les systèmes de l’Allemagne et les faits politiques de la France avait peut-être fait son temps. La façon dont il est rajeuni nous semble un peu louche. Fichte a bien, si l’on veut, ramené la métaphysique, à supposer que la métaphysique eût jamais quitté la scène ; néanmoins on ne s’habitue pas aisément à voir en lui un philosophe de la Restauration. Jadis, on approchait la Wissenschaftlehre de la Convention.

L’espace accordé au hégélianisme (près de 40 pages) n’est-il pas disproportionné au rôle actuel de ce système et à sa valeur intrinsèque. La seule philosophie de l’art, qui n’est guère originale, en prend quatre ; celle de la matière, qui l’est encore moins et dont l’originalité a fait le désespoir des écoliers les plus dévots, en occupe cinq : Schelling, en revanche, sept en tout, et, ce qui est plus grave, ces sept pages ne sont pas justes. En renonçant à suivre la philosophie de l’identité dans ses métamorphoses, l’historien a renoncé à la présenter dans son vrai jour. Il n’est pas exact d’une manière générale que dans Schelling