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TANNERY. — critique de la loi de weber

devait en attendre d’autres plus rapides, si ses destinées ne sont pas restreintes au domaine de la sensation élémentaire.

Quant au dernier ouvrage du fondateur de la psychophysique, il est beaucoup plus compact et aussi plus difficile à lire que les volumes de M. Delbœuf. La révision des points principaux de la psychophysique est en effet poursuivie à peu près constamment sous forme de polémique contre un adversaire qui a essayé d’apporter à l’œuvre de Fechner de profondes modifications, le professeur Georg. Élias Müller, de Gœttingue[1]. Cette forme polémique brise à chaque instant le développement logique des idées et devient rapidement fatigante. Après six chapitres qui forment les trois quarts du livre : — Sur la portée de la psychophysique, — Principes et méthodes des mesures psychophysiques, — Lois psychophysiques, — Formules fondamentales, — Discussion des points de vue psychophysique et physiologique. — Sur quelques objets de la psychophysique interne, — Fechner passe rapidement sur les points où il est en désaccord avec les autres psychophysiciens, Delbœuf, Wundt, et répond également aux critiques que lui ont adressées des philosophes, Gutberlet, Koch, von Kries, Ferdinand-August Müller, Ulrici, Edouard Zeller. Un dernier chapitre est consacré à la discussion de diverses séries d’expériences sur des points spéciaux.

Malgré le grave défaut de composition que j’ai signalé, on ne peut méconnaître la haute valeur de l’œuvre. La discussion est toujours très serrée : d’ailleurs Fechner donne à ses opinions des développements importants et corrige en divers points ses travaux antérieurs.

II

On sait que les expériences de psychophysique ont porté jusqu’à présent sur des sensations de diverse nature, quoiqu’il en reste passablement qu’on n’ait pas abordées, et pour cause. Il est donc évident, avant tout, qu’une loi de psychophysique ne peut être valable que pour les sensations spéciales à propos desquelles elle a été effectivement vérifiée. À la vérité, si elle est vraie pour toutes les classes de sensations soumises à l’expérience, on peut l’étendre à d’autres par induction ; mais l’induction n’est légitime que pour les sensations qui présentent un caractère et un degré de simplicité analogues. Au delà, elle ne serait plus qu’une hypothèse gratuite.

Pour simplifier la discussion, je me bornerai à la sensation de

  1. Zur Grundlegung der Psychophysik, kritische Beïträge. Berlin, Grieben, 1878.