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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Weber. Histoire de la philosophie européenne. Troisième édition, entièrement refondue, 8o Paris, Fischbacher, 562 pages.

Le succès obtenu par l’Histoire de la philosophie européenne de M. Weber dans des circonstances assez délicates nous dispense d’en faire l’éloge. Les principales analyses en sont riches, bien condensées, sans manquer de clarté. C’est là, je crois, le premier mérite d’un travail de ce genre. Quant à la façon dont l’auteur les enchaîne, à ce qu’il y a de personnel dans sa conception du mouvement historique, nous n’avons pas la prétention de le faire entendre en quelques mots ; nous dirons seulement que son exposition est dirigée dans l’intérêt d’un point de vue systématique dont nous ne nous sommes pas encore parfaitement rendu compte, bien qu’il présente avec le nôtre une affinité manifeste. C’est le monisme de la volonté, force dont l’expansion constituerait le côté corporel des phénomènes, tandis que son retour sur elle-même, sa réflexion serait l’intelligence ; mais un but est inhérent à cette volonté, elle tend à produire le bien moral : c’est la volonté du bien. Le fond de cette pensée reste obscur pour nous, S’il s’agit d’une volonté consciente, nous sommes dans le théisme populaire, et l’existence du mal moral, qu’on ne pourrait nier en fait, nous impose, avec la distinction du créateur et de la créature, une transcendance divine dont on semble ne point vouloir. Avec la volonté du bien, substance unique de tout ce qui existe, nous n’imaginons pas d’où le mal pourrait surgir. Si l’idée du bien ne brille pas dans une conscience, mais agit sur la volonté comme une impulsion cachée, elle nous semble se distinguer de la volonté par là même et réclamer un sujet distinct, puisque, suivant les vues de M. Weber et suivant les nôtres, une idée pure ne saurait subsister elle-même et sans un sujet.

En comparant la troisième édition avec la première (sans consulter la seconde, que nous n’avons pas), nous croyons voir que le monisme un peu abstrait dont s’inspirait d’abord l’historien s’est précisé nettement comme volontarisme au contact de Schopenhauer. Le pessimisme, que M. Weber répudie, tombe en effet, si l’on réussit à introduire dans la pensée abstraite une vérité qu’aperçoit spontanément toute âme généreuse : c’est que le plus vif plaisir reste bagatelle et que tout bien