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l’autre. Aphrodite est « la brillante, la belle, » et aphros « la chose brillante, blanche, l’écume. » Le rapport qu’on y a vu résulte de l’oubli du vrai sens de celui-ci et de celui-là, et la conséquence en a été de fournir l’un des détails importants du mythe de la Vénus hellénique[1].

Ces exemples suffisent pour nous permettre de résumer à grands traits les indications qu’on en peut tirer sur l’origine et le développement des mythes, dans leurs rapports avec le développement même du langage.

1o Le mythe peut naître sans que le langage y contribue autrement qu’en lui fournissant une désignation pure et simple (agni, οὐρανός).

2o Le mythe peut se développer parallèlement et conformément à l’évolution significative dont le terme qui le désigne est susceptible (indra, varuna, ἑλένη).

3o Certains détails mythiques importants doivent leur origine à une fausse étymologie qui consiste généralement à considérer comme issus l’un de l’autre deux mots qui, tout en appartenant parfois à une même famille, sont mutuellement indépendants, soit pour le sens (açva, açvin), soit (dans une certaine mesure) pour la forme (ἀφρός, ἀφροδίτη).

Il convient d’ajouter que le degré de concentration du mythe est en rapport constant avec chacune de ces phases de l’influence verbale. Ne s’accusant que sous des traits généraux dans le premier cas, mieux nuancée et apparaissant sous un aspect un peu plus concret dans le second, c’est surtout avec le troisième et quand elle est pourvue d’un détail précis et topique, qui sert d’attache et de point de départ à beaucoup d’autres, que sa physionomie acquiert toute l’ampleur et tout le relief dont elle est susceptible.

Ai-je besoin de dire aussi qu’en matière aussi complexe beaucoup d’autres cas peuvent se présenter[2]. Je n’ai voulu indiquer que les principaux et particulièrement ceux sur lesquels la présente étude me permettait et m’obligeait même d’exprimer un avis.

III

J’arrive maintenant aux listes de mots destinées à justifier par des exemples nombreux et coordonnés les indications sommaires qui précèdent.

  1. On ne saurait guère rapprocher ce mythe de celui du barattement de la mer dans la mythologie brâhmanique. Comme on ne trouve pas de traces de ce dernier dans les Védas, il est vraisemblablement propre à l’Inde et n’a rien de commun avec celui de la naissance de Vénus.
  2. Ceux qui résultent par exemple de toute une phrase mythique.