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ANALYSES.derepas. Les théories de l’inconnaissable, etc.

pas identiques ; il faut choisir. Tout nous porte à croire que M. Derepas, s’il eût cru devoir faire ce choix, se serait prononcé pour la seconde alternative. Tenons donc la première pour écartée, et considérons ce qui en est dit comme une simple distraction.

Essayons maintenant, en y apportant tous nos soins, de donner brièvement une idée de l’argumentation de M. Derepas. Il faut d’abord écarter les objections bien connues tirées de ce fait que souvent nous avons des sensations sans cause extérieure, qu’un agent unique produit des sensations diverses, que divers agents produisent sur un même sens des sensations identiques. M. Derepas répond : 1o que dans l’hallucination, le rêve, etc., ces sensations sont trop vagues pour qu’on les confonde avec les sensations normales, — ce qui est inexact en fait ; 2o qu’elles résultent de vibrations lumineuses, sonores, etc., emmagasinées dans l’organisme, — ce qui est purement hypothétique et n’avance à rien ; car comment distinguer les cas où tous nous percevons des vibrations emmagasinées de ceux où nous percevons des vibrations actuellement données ? 3o qu’un agent unique, l’électricité par exemple, pourrait bien être accompagné d’autres à l’état latent, lumière, son, etc., — encore une hypothèse, renouvelée, sans que l’auteur paraisse s’en douter, de Protagoras, et qui le mènerait, s’il la suivait avec rigueur, à ce scepticisme qui lui inspire une si grande horreur ; — 4o que la spécificité des nerfs est contestable, et 5o — qu’expliquer par cette spécificité la différence des sensations n’est pas se placer au point de vue subjectif. Mais quel idéaliste, sachant ce qu’il dit, a jamais confondu les faits psychiques avec leurs conditions physiologiques ? Par qui la diversité des mouvements des nerfs, en la supposant démontrée, a-t-elle été considérée comme expliquant la diversité des sensations ?

S’attachant ensuite particulièrement à la notion détendue, M. Derepas admet, avec M. Magy, qu’elle est provoquée en nous « par l’action simultanée de forces associées » (p. 112). Certes, M. Derepas est libre de donner le nom d’étendue à des forces associées, comme on est libre de définir un mot arbitrairement, pourvu qu’on prévienne. Mais définir ainsi l’étendue, c’est l’entendre tout autrement qu’on ne fait d’ordinaire et éliminer de cette notion précisément ce qui en est le caractère spécifique. Des forces, par cela seul qu’elles sont données comme multiples, ne forment pas une étendue ; dire qu’elles sont groupées ne mène pas plus loin, à moins qu’on n’entende par là qu’elles sont juxtaposées, ce qui serait introduire subrepticement l’étendue parmi les éléments d’où on prétend la tirer ou avec lesquels on veut la confondre. Agir simultanément (la seule chose qui soit donnée dans cette explication) et être étendu, sont deux choses distinctes : l’une ne peut être tirée de l’autre analytiquement. Les forces inétendues dont on admet l’existence objective ne deviennent une étendue qu’en passant par une conscience : il faut donc bon gré mal gré dire avec M. Magy que l’étendue est une simple intuition psychologique.

La partie de sa thèse à laquelle sans doute M. Derepas attache le