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TARDE. — l’archéologie et la statistique

atteindre ; que les dénombrements d’actions, le plus possible similaires entre elles (condition mal remplie par la statistique criminelle entre autres), et, à leur défaut, les dénombrements d’œuvres, par exemple d’articles de commerce, de canons, de fusils, de ponts, etc., similaires aussi, doivent toujours tendre et se rapporter à ce but final, ou plutôt à ces deux buts : 1o par des enregistrements d’actions ou d’œuvres, tracer la courbe des accroissements, des stationnements ou des décroissements successifs de chaque idée nouvelle ou ancienne, de chaque besoin ancien ou nouveau, à mesure qu’ils se répandent et se consolident, ou qu’ils sont refoulés et déracinés ; 2o par des rapprochements habiles entre les séries ainsi obtenues, par la mise en relief de leurs variations concomitantes, marquer l’entrave ou le secours plus ou moins grand ou nul que se prêtent ou s’opposent ces diverses propagations ou consolidations imitatives de besoins et d’idées (suivant qu’ils consistent, comme ils consistent toujours, en propositions implicites qui s’entre-affirment ou s’entrenient plus ou moins et en plus ou moins grand nombre} ; sans négliger toutefois l’influence que peuvent avoir sur elles le sexe, l’âge, le tempérament, le climat, la saison, causes naturelles dont la force est d’ailleurs mesurée, s’il y a lieu, par la statistique physique ou biologique. — En d’autres termes, il s’agit, pour la statistique sociologique : 1o de déterminer la puissance imitative propre à chaque invention, dans un temps et un pays donnés ; 2o de montrer les effets favorables ou nuisibles produits par l’imitation de chacune d’elles, et par suite d’influer chez ceux qui auront connaissance de ces résultats numériques, sur le penchant qu’ils auraient à suivre où à ne pas suivre tels ou tels exemples. En définitive, constater ou influencer des imitations, voilà tout l’objet des recherches de ce genre. Comme exemple de la manière dont la seconde de ces deux fins a été atteinte, on peut citer la statistique médicale, laquelle se rattache en effet à la science sociale en tant qu’elle compare, pour chaque maladie, la proportion des malades guéris par l’application des divers procédés, des divers spécifiques anciennement ou nouvellement découverts. Elle a contribué de la sorte à généraliser la vaccination, le traitement de la gale par les insecticides, etc., et actuellement elle est en train de faire prévaloir peut-être le traitement hydrothérapique de la fièvre typhoïde. La statistique des crimes, des suicides et des aliénations mentales, en montrant que le séjour des villes les multiplie dans de larges proportions, serait de nature aussi à modérer, bien faiblement il est vrai, le grand courant imitatif qui porte les habitants des campagnes vers la vie urbaine. M. Bertillon nous assure même que la statistique du mariage nous serait