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BÉNARD. — problème de la division des arts

est vrai qu’on ne s’en tint pas toujours au nombre sept, bien qu’il fût consacré. On en vint même à compter des arts jusqu’à dix ; dans cette addition, on voit figurer la philosophie, la théologie, la médecine et la peinture. Inutile de nous arrêter à signaler le désordre et la confusion qui règnent dans cette énumération et dans ces distinctions.

La Renaissance au xve et au xvie siècle n’a guère mieux à nous offrir. Cette époque si brillante et si féconde pour les arts du dessin, telle qu’aucune autre n’est à lui comparer, qui a vu éclore tant de beaux génies et produit tant de chefs-d’œuvre, elle est très pauvre et à peu près stérile quant à la théorie. Du moins en est-il ainsi de ce qui a trait à la philosophie de l’art.

On ne trouve dans les écrits de cette époque, où l’imitation servile de l’antiquité a succédé à une autre autorité, rien qui ait quelque originalité. Dans ceux de Jules César Scaliger par exemple, la division d’Aristote est à peine modifiée et indiquée, sans être ni discutée ni justifiée. On a là un exemple du divorce de la pratique et de la théorie ; cela prouve que les époques de création où l’art est florissant ne sont pas les mêmes que celles où la réflexion domine et où la raison est appelée à se rendre compte des œuvres que le génie a enfantées dans sa spontanéité native ou sa jeunesse première. Les facultés de l’esprit humain ne se développent pas toutes à la fois, il ne faut pas s’étonner qu’à côté d’une fécondité prodigieuse s’accuse d’un autre côté la plus complète impuissance ou stérilité.

Au xviie siècle, l’esprit moderne secoue à la fois le joug de la scolastique et celui d’une imitation aveugle des anciens. Mais la pensée philosophique se porte uniquement vers les questions d’ordre scientifique ou spéculatif. Il s’agit de renouveler la science et de la fonder sur des bases nouvelles. Bacon et Descartes tracent la méthode à suivre. Mais ni l’un ni l’autre ne donne une attention sérieuse aux problèmes relatifs à l’art et aux œuvres de l’imagination.

Le premier, dans son grand ouvrage l’Instauratio magna et le De dignitate et augmentis scientiarum, dresse un tableau des connaissances humaines ; il fait une revue des sciences, dont il signale les lacunes et les imperfections. Ce qui frappe au premier abord, c’est que les arts y sont confondus avec les sciences et les arts utiles ou mécaniques avec les beaux-arts. La poésie et les lettres y sont tantôt considérées simplement comme des ornements de la vie, tantôt comme des branches de la sagesse. L’étude de leurs œuvres est réservée aux poètes eux-mêmes ou aux érudits, aux écrivains étrangers à la science.

La base de la division de Bacon, on le sait, est empruntée aux