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E. DE HARTMANN. — l’école de schopenhauer

Schopenhauer, cherché le sujet de la sensibilité et du mouvement, non dans la matière, mais dans la volonté, qui produit en même temps tous les deux par elle-même, et il aurait donc suivi la même voie que Bilharz. Un exposé de l’hylozoïsme, s’appuyant sur les sciences naturelles modernes, aurait toujours pu devenir fort intéressant, si Noiré ne manquait de toutes les qualités dont la réunion est de rigueur pour un philosophe.

Si l’on se demande ce que l’école de Schopenhauer a donné positivement, la réponse est assez pauvre. Les meilleurs talents de cette école se fourvoient dans de fausses voies, comme Bahnsen dans le désespérant misérabilisme, Mainländer dans la rédemption du monde par la virginité et Hellenbach dans le spiritisme ; d’autres épuisent leur activité positive en renvoyant à Kant et à sa théorie de la connaissance, entendue seulement en un sens, comme Bilharz et Lange, et avec Dühring enfin ce mouvement aboutit à la complète absence de philosophie, au plus fade matérialisme. Aussi le résultat qu’a donné cette école peut-il s’appeler un résultat essentiellement négatif ; elle a fourni la preuve que la philosophie de Schopenhauer, quelque apte qu’elle puisse être à attirer à elle des talents philosophiques éminents, est pourtant incapable, dans son isolement, d’être consolidée et corrigée par eux de manière à devenir un système soutenable et sans contradictions ; qu’au contraire toutes les tentatives faites pour corriger un tout composé d’éléments pleins de contradictions doivent nécessairement finir par une dissolution complète.

Le principe du panthélisme est trop pauvre et trop peu fécond pour tirer de lui seul un système, et il a donc nécessairement besoin d’être complété par d’autres principes ; or le seul élément, dans le système de Schopenhauer, qui puisse fournir ce complément, l’idéalisme objectif, fut méconnu et dédaigné par l’école de Schopenhauer, parce qu’elle n’en pouvait réaliser le développement que par la seule voie des successeurs idéalistes de Kant, parce qu’il lui aurait fallu désavouer par là l’isolement de Schopenhauer et le peu de cas qu’il faisait de Fichte, Schelling et Hegel. C’est donc en fin de compte l’absence de sens historique de l’école de Schopenhauer, sa fausse idée que des systèmes si grandioses aient pu apparaître dans l’histoire de la philosophie absolument en pure perte, qui la firent persévérer à s’en tenir d’une manière si inféconde à Schopenhauer et à Kant) et à négliger par là la seule transformation féconde de la philosophie de Schopenhauer, telle qu’elle est déjà indiquée en ses traits fondamentaux dans le dernier système de Schelling.

Il s’agit présentement de la réunion en un seul de deux grands