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ANALYSES. — GUSTAV TEICHMÜLLER. Literarische Fehden.

Le premier ouvrage comme date dont s’occupe notre auteur est celui de Xénophon sur Socrate, les Memorabilia[1], antérieur au Protagoras, à la République et notamment à l’institution de la milice des peltastes par Iphicrate, laquelle doit être fixée vers 393 avant J.-C. Les circonstances de la vie de Xénophon empêchent d’ailleurs de faire remonter la publication des Memorabilia à une époque notablement antérieure à 394.

Se croyant attaqué sous la figure d’Hippias, Isocrate fait une vive réponse dans son discours Contre les sophistes (392) et critique durement le style de son adversaire. Celui-ci réplique très dignement à ce sujet dans son écrit Sur la chasse (391 ?), mais depuis, l’isolement où le maintient son exil d’Athènes, et le silence systématique qu’on semble observer à son égard, le font disparaître de la scène,

Le discours Contre les sophistes est d’ailleurs dirigé en général contre les disciples de Socrate, en particulier contre Antisthène et le rhéteur Lysias, lié avec celui-ci, mais aussi contre Platon, dont il suppose au moins le Protagoras, tandis qu’il est antérieur à la République, L’Éloge d’Hélène d’Isocrate est dans le même cas et doit donc être de la même date. On se rendra compte facilement qu’Isocrate, à l’âge de quarante-quatre ans, et déjà chef d’une école de rhétorique florissante, devait sentir vivement tout ce qui pouvait paraître, dans le Protagoras, dirigé contre les principes de son enseignement, et favoriser tel de ses rivaux, comme Alcidamas, qu’il attaque avec non moins de vivacité que les autres et qui lui répondit bientôt après.

Le Protagoras, certainement antérieur à la République, ne peut d’ailleurs être reporté au delà de 393, d’après l’allusion qui y est faite à la peltastique, allusion qui en donne la date précise.

L’année suivante (392) est marquée dans la vie de Platon, alors âgé de trente-sept ans, d’un côté par la part qu’il prend, comme hoplite, à une expédition à Corinthe, à laquelle il fera allusion plus tard dans le Théétète, de l’autre par la rédaction des cinq premiers livres de la République, peut-être publiés seulement en 391, mais en tout cas traduits sur le théâtre dès 390 par Aristophane, dans l’Assemblée des femmes.

À ce moment, Platon fait son premier voyage en Sicile et rapporte de la cour du tyran Denys l’Ancien les fortes impressions qu’il marquera dans les cinq derniers livres de la République. Ceux-ci paraissent dès 389, et leur publication le place hors de pair et comme penseur et comme écrivain. En 388, aux jeux Olympiques, où il se rencontre avec les envoyés de Denys et son ami Dion, il attire les yeux de tous les spectateurs, et son silence est plus admiré que l’éloquente parole de Lysias[2].

Mais, dans l’intervalle de la publication des deux parties de la République, il avait cru devoir répondre à Isocrate (391). Il lui convenait

  1. Ἀπομνημάτων Σωκράτους, β, δʹ.
  2. Néanthès de Cyzique, dans Diogène Laërce. — Isocrate, Busiris.