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ANALYSES. — SIEBECK. Geschichte der Psychologie.

naturalistes, et en vertu de leur principe même, l’homme physique et l’âme sont au même titre partie de la nature, à peine si l’on distingue leur essence. Les Eléates et les Pythagoriciens eux-mêmes, pour qui le principe du monde n’est pas conçu par analogie avec la matière, n’arrivent pas encore à la conception des qualités essentielles de l’esprit et de leur opposition avec les propriétés de la nature et du corps. Néanmoins, déjà dans cette période, on peut relever nombre d’études intéressantes sur le rêve, sur les tempéraments, sur les facultés et le siège de l’âme humaine, et même sur l’âme des plantes et des animaux.

Deuxième partie. Constitution de la psychologie comme science philosophique par Socrate et Platon dans le sens du dualisme. — Cette seconde partie est consacrée presque exclusivement à une longue et savante étude de la psychologie de Platon. Les Sophistes et Socrate marquent le passage de la considération objective du monde à l’étude subjective de l’esprit humain, Leur époque est importante à cet égard : c’est celle de l’introduction du « principe de la subjectivité ». Les premiers, ils apportent dans l’évolution de la pensée cette vérité que l’enchaînement des choses n’est pas saisi absolument par l’observation extérieure, mais qu’il faut tenir compte aussi de la manière dont l’objet connu est conditionné par le sujet connaissant, Pour Anaxagore, sans doute, l’esprit est déjà opposé à la matière, mais comme une simple puissance du monde objectif. Le progrès sera de reconnaître que « l’esprit même saisi en moi est pour moi le produit de ma subjectivité ».

Platon, dans son dernier ouvrage, les Lois, nous dit que le propre de l’âme est de fuir le mal et d’aspirer au bien le plus élevé. Cette parole indique quel est le caractère de la psychologie platonicienne, qui, dans son ensemble et dans ses détails, est avant tout pratique et repose sur un principe moral. On sait que dans la théorie des idées, conclusion de tout le système, la raison du monde est un principe moral, l’idée du bien. Le monde du reste est un tout doué d’une âme (beseeltes Ganze), et comme tel il se suffit à lui-même. La nécessité de cette « animation » universelle résulte précisément des rapports du monde avec l’idée du bien qui en est la condition, comme l’âme est le principe et la condition de la vie en l’homme. L’ordre et le mouvement n’ont pas d’autre cause. — Platon, on le sait, distingue dans l’âme deux natures, l’une terrestre, l’autre supérieure, et dans cette âme des puissances diverses. Que faut-il entendre par ces puissances, δυνάμεις, et quels rapports ont-elles avec les parties de l’âme, μέρη ? Question délicate et que M. Siebeck s’est efforcé de résoudre dans une longue et intéressante discussion. Suit une étude critique sur la théorie de la connaissance et la dialectique, sur la vérité et l’erreur, le sentiment et le désir, la vertu et la liberté, les tempéraments et les caractères.

En somme, avec Platon, la psychologie acquiert une importance qu’elle n’avait pas jusqu’à lui ; elle élargit sa place au sein de la philosophie et fait usage de procédés qui, sans être définitifs, n’en marquent pas moins un progrès vers une méthode propre. Certaines vérités