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ment agissante sous l’empire d’une fin interne, dépendante elle-même d’une fin plus baute, forme des formes, acte pur et moteur dernier, est décrite avec une sûreté et une clarté qui font ces pages définitives.

Le cadre de ce compte rendu ne me permet que de mentionner les noms d’Urbano, de Jean de Jandun, ces précurseurs dont l’historien de Padoue crayonne les systèmes. En résumé, Crémonini ayant à choisir entre la solution averroïste, qui incline au naturalisme, et la thèse tout idéaliste d’Alexandre d’Aphrodise, concile et oppose tour à tour les deux points de vue contraires. Il ne reconnaît pas, avec Averroès, à la matière, une essence purement privative, pas plus qu’il ne découvre en elle, avec Alexandre, le principe de la forme. De conclusion, il n’en présente aucune qui lui appartienne, satisfait de n’en avoir point adopté d’étrangère.

Sur la question de savoir quel agent fait passer la puissance à l’acte, le maître padouan paraît plus explicite. La cause efficiente qui opère le passage ou, si l’on veut, la génération, n’est autre que « la forme même à laquelle tend le mouvement ». Cette conception de la cause motrice aboutit donc à une théorie de finalité. L’intermédiaire entre le sujet et le principe de la génération sera dès lors une fin, mais une fin qui réside dans l’âme, tout en la dominant. Nous voilà revenus, ou peu s’en faut, au point de départ du péripatétisme.

Comment s’exerce sur la nature l’action de cette fin ? Une telle question nous jette en pleine métaphysique.

Métaphysique. — Cette partie de l’exposition est d’aspect sévère. Pourtant la sécheresse des choses ne rebute point, tant la plume est tine et sait broder sur ce fond ingrat.

Le premier moteur d’Aristote est à la fois parfait et ignorant de son gouvernement du monde. Ces deux caractères ne s’excluent-ils point ? Nullement, estime Crémonini, qui proclame Dieu tout à la fois dénué de science, de liberté, d’infinitude, mais en même temps doué de connaissance au moins indirecte, par la conscience qu’il a et de lui-même et des choses en lui.

L’analogie de cette double synthèse avec les jeux dialectiques de Plotin et Proclus est flagrante. Jusqu’ici, l’originalité fait défaut,

Où le système de notre philosophe acquiert au contraire une valeur plus rare, c’est dans la métaphysique médiate qu’il interpose entre la science du moteur divin et celle des lois sublunaires. On trouve un piquant intérêt à cette peinture du ciel intermédiaire, dont l’âme se confond avec la nature elle-même, sorte de vivant moyen résidant en deçà de la suprême fin, mais manifestant toutefois l’influence de sa propre finalité par l’action des intelligences dans lesquelles il se résout.

De ce point de vue tout spéculatif, les sciences supra-naturelles, en qui ce monde enfant eut si profondément foi, ne seront plus envisagées avec un dédain souriant, Nous avons beaucoup remarqué le chapitre où M. Mabilleau s’est appliqué à la réhabilitation de l’astrologie. La nature des puissances que les hauts temps attribuaient aux corps célestes,