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ANALYSES. — MABILLEAU. Étude sur Crémonini.

exemples dans la Légende de Buddha de M. Sénart (la cérémonie du couronnement reproduisant le triomphe solaire) et dans la Religion védique de M. Bergaigne (le sacrifice terrestre, reproduction d’un sacrifice céleste) ; il y aurait à montrer, en embrassant l’ensemble d’un groupe défini de religions, le groupe aryen, par exemple, comment le culte sort comme par décalque de la mythologie, et à retrouver sous chaque pratique la croyance qu’elle met en scène. Il y a plus : ainsi que je l’ai indiqué ailleurs (Ormuzd et Ahriman, p. 124), les pratiques survivant toujours, plus ou moins longtemps, au mythe qui les produit et qu’elles expriment, le culte d’une religion est en partie l’expression d’une religion antérieur ; on peut lire sous le culte d’une période la mythologie des périodes qui précèdent, et le culte révèle à la science une mythologie plus ancienne que celle que révèle l’étude directe de la mythologie du même temps.

La place nous manque pour nous étendre sur toutes les questions intéressantes soulevées au courant du livre ; terminons en rendant l’hommage mérité au talent de style bien connu de l’auteur, qui est un maître dans l’art de bien dire, et à la richesse d’aperçus délicats et fins semés dans le détail.

James Darmesteter.

Mabilleau. — Étude historique sur la philosophie de la Renaissance en Italie (Cesare Cremonini). — In-8o, Paris, Hachette.

La thèse que M. Mabilleau a soumise au jury de doctorat et dont il a soutenu les conclusions avec une si érudite agilité forme un gros livre d’histoire, où se trouve condensé, dans une sorte de monographie unique, son Mémoire, encore inédit, sur l’École de Padoue. Condensé, est-ce assez dire ? L’étude sur Cremonini n’est-elle pas quelque chose d’autre et de meilleur qu’un « résidu » de doctrine ? L’auteur, dans sa préface, a pris soin de nous annoncer que, si ses préférences s’étaient arrêtées au dernier des grands penseurs padouans, c’est que le prétexte lui avait paru inappréciable de tracer comme un raccourci du « travail de pensée qui occupa trois cents ans de spéculation ». Mais il n’en faut croire M. Mabilleau qu’à moitié. Cet abrégé prétendu est à ce point bourré d’idées, de rapprochements, de théories personnelles, que, si l’on écartait l’appareil d’érudition, il ne serait pas besoin d’une pénétration extrême pour découvrir l’œuvre dogmatique et le système voulu qu’enveloppe l’échafaudage scolastique sous nos yeux reconstruit,

Césare Crémonini, que ses contemporains firent si grand, est pour la postérité un inconnu. Son nom s’est effacé devant celui d’un Pic de La Mirandole et d’un Bruno, qui, spéculativement, ne lui furent en rien supérieurs, Sauf de quelques chercheurs, ses œuvres restent ignorées.