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TH. BERNARD. — illusions optiques de mouvement

déterminé par la fatigue de la rétine. Cette fatigue, tout tend à la produire : la succession rapide des images, la multiplicité des points simultanément perçus, mais surtout le changement incessant des relations existant entre ces points, les uns étant fixes, les autres se déplaçant à chaque instant par rapport aux premiers et par rapport à l’observateur. Cependant je ne crois pas que la fatigue de la rétine suffise à expliquer le phénomène, qu’elle en soit même la cause déterminante ; je crois au contraire que les principes à l’aide desquels nous avons pu rendre compte des autres illusions optiques de mouvement trouvent ici encore leur application et, le dirai-je ? leur confirmation la plus inattendue. Que faut-il en effet, d’après eux, pour que cette nouvelle illusion soit possible ? Deux conditions dont la réalité quant à elle ne fait pas doute : c’est d’abord que les signes optiques du mouvement circulaire s’offrent à l’observateur ; c’est ensuite qu’il ignore ou qu’il oublie la nature de son propre mouvement, qu’il puisse même faire abstraction de celui-ci et se croire, se sentir immobile au moment où il se meut rapidement. Nulle difficulté pour celle-ci nous l’avons constamment rencontrée dans tous les cas d’illusions que nous avons étudiés. Mais il peut paraître étrange que les signes optiques du mouvement circulaire accompagnent un mouvement rectiligne. Il faut un effort d’attention en effet pour reconnaître que le fait non-seulement est possible, mais qu’il est inévitable. Qu’on se rappelle l’impression éprouvée lorsqu’on tourne rapidement autour d’une colonne, d’un point fixe quelconque que l’on ne perd pas des yeux, comme dans un cirque : à chaque instant, une double image s’offre à la vue, celle de ce point immobile qui, à ce moment et parce qu’on le veut ainsi, marque la limite extrême du champ de la vision ; puis en deçà, et de plus en plus près de soi, celle des objets situés sur le rayon qui va du centre au point de la circonférence où l’on se trouve à ce moment ; la succession de ces images donne le sentiment du mouvement propre, de même que de leur rapport à l’image centrale résulte celui du mouvement circulaire. Maintenant agrandissons le cercle par la pensée, reportons le centre de plus en plus loin de nous les apparences ne changeront pas. Nous jugerons toujours de notre mouvement par la succession plus ou moins rapide des images, et nous le jugerons circulaire, parce que, quelque éloignés que nous soyons du centre, nous les percevrons constamment en rapport avec lui. Or nous savons que l’intervalle des objets, comme leur grandeur, diminue avec l’éloignement ; deux droites parallèles, deux rangées d’arbres, deux sillons semblent se rapprocher de plus en plus et prennent l’aspect de deux rayons convergeant vers un même point ; une suite