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TH. BERNARD. — illusions optiques de mouvement

répétition des images, rapidité et durée de cette répétition, il n’en est pas un dont la suppression entraîne celle de l’illusion. C’est, dira-t-on, qu’il suffit des deux autres, ou même de l’une d’elles pour la déterminer. Soit ; mais qu’alléguera-t-on si, comme il arrive, l’illusion se produit alors qu’elles manquent toutes à la fois ? Que le train que nous voyons passer ralentisse ou accélère sa marche lorsque celui dans lequel nous nous trouvons est immobile, le mouvement apparent, c’est toujours le nôtre, et l’illusion ne cesse qu’au moment où nous nous sommes assurés que nous n’avons pas changé de place. De même, lorsqu’en bateau ou en voiture nous nous rapprochons des objets, il nous semble que ce sont ceux qui viennent au-devant de nous ; et dans ce second cas l’illusion se produit sur-le-champ. Il n’y a donc là rien qui sorte des conditions ordinaires de la vision ; personne ne croira qu’une succession d’images aussi lente et aussi peu prolongée soit de nature à fatiguer la rétine. Quant à la répétition des images, si dans certains cas (chute d’une cascade, passage d’un train composé de voitures d’un même type) elle contribue à produire l’illusion (avec ou sans fatigue de la rétine), ce n’est qu’accidentellement. Quand, par suite de notre propre mouvement, les images se succèdent plus ou moins rapidement, on ne saurait dire qu’elles se répètent. Encore une fois, la fatigue de la rétine n’est que l’exception ; si donc nous voulons obtenir une explication générale des faits, c’est à la psychologie seule que nous devons la demander.

Les illusions en question portent sur trois points : 1o repos ou mouvement de l’objet ou du sujet ; 2o direction du mouvement : en avant ou en arrière, de haut en bas ou de bas en haut ; 3o nature du mouvement : rectiligne ou circulaire.

En voici quelques exemples.

1o État de mouvement ou de repos. — On est immobile, et l’on croit se mouvoir passage d’un train, lorsque le train dans lequel on se trouve est arrêté ; si en bateau ou même sur le bord d’une rivière on fait face au courant et qu’on le regarde fixement, on croit le remonter ; si l’on se retourne, l’effet est le même : en suivant des yeux le mouvement de l’eau, on croit se mouvoir soi-même en sens contraire. Même illusion sur mer les vagues se rapprochent ou s’éloignent : on croit avancer ou reculer.

On attribue aux objets son propre mouvement : en bateau, en voiture, en chemin de fer, les objets semblent se rapprocher ou s’éloigner ; dans un ascenseur, les parois semblent s’élever ou s’abaisser le long du plancher que l’on croit immobile.

2o Direction du mouvement. Le mouvement apparent est symé-