Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
NOLEN. — le monisme en allemagne

Mais la matière n’est pas séparable de l’esprit. « Comme l’a dit Gœthe, la matière sans l’esprit, l’esprit sans la matière ne sauraient ni exister ni agir. L’esprit, l’âme sont des expressions supérieures, complexes ou différenciées d’une même fonction que nous appelons « force », en nous servant d’un mot extrêmement général, et la force est une fonction générale de toute matière[1]. »

Les savants souscriront volontiers pour la plupart à la première partie de cette théorie sur la matière ; mais quel est celui d’entre eux qui voudra donner la seconde comme l’expression d’une vérité scientifique ? Hæckel a bien le sentiment de l’objection ; et son hylozoïsme, en même temps qu’il s’enveloppe de formules obscures, se plaît à invoquer l’autorité d’un poète.

Plus tard, dans la Périgenèse des plastidules, il essayera un semblant de démonstration : « Sans l’hypothèse d’une âme de l’atome, les phénomènes les plus vulgaires et les plus généraux de la chimie ne s’expliquent point. Le plaisir et le déplaisir, le désir et l’aversion, l’attraction et la répulsion doivent être communs à tous les atomes… Autrement, sur quoi repose au fond la doctrine chimique, généralement admise, de l’affinité élective des corps, sinon sur la supposition inconsciente qu’en réalité les atomes, qui s’attirent et se repoussent, sont doués de certaines tendances, et qu’en suivant ces sensations ou impulsions ils possèdent aussi la volonté et la capacité de se rapprocher ou de s’éloigner les uns des autres[2] »

« En nous représentant aussi, du point de vue mécanique du monisme, toute matière comme assurée, tout atome comme doué d’une âme atomique, éternelle et invariable, nous ne craignons point d’encourir le reproche de matérialisme[3]. »

Mais nous doutons que ces récentes déclarations soient plus du goût des savants que les poétiques visions de la morphologie.

Voyons si la science fournit de meilleurs arguments pour expliquer mécaniquement les origines de la vie. La solution du problème lui paraît contenue dans la théorie du carbone, qu’expose longuement la Morphologie et que résume la 13e leçon de l’Histoire de la création :

« C’est pour la biologie moderne et spécialement pour l’histologie un bien grand triomphe que d’avoir ramené à des éléments matériels le miracle des phénomènes vitaux et d’avoir démontré que les propriétés physiques et chimiques infiniment variées et complexes

  1. Anthropogénie, 624 de la traduction.
  2. Périgenèse des plastidules.
  3. Id.