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Il n’y a pas lieu d’insister beaucoup ici sur les différences que présentent entre eux les trois groupes de faits que nous avons rejoints non-attention, oubli, amnésie, puisque ce sont surtout de leurs ressemblances que nous aurons à nous occuper. Nous dirons cependant que les distinctions se font entre eux d’une manière approximative, par le plus ou moins de facilité de retour des états non présents à la conscience et par la fréquence des associations ou des circonstances extérieures qui les ramènent et par la nature de ces circonstances.

Nous avons à nous occuper maintenant des phénomènes normaux d’inattention ou d’oubli qui peuvent intéresser le problème de la personnalité de la même manière que les phénomènes d’amnésie périodique.

Remarquons que les amnésies périodiques elles-mêmes présentent plusieurs degrés et que les cas éloignés sont très différents au point de vue de l’intensité des phénomènes de la double conscience. Depuis le cas cité par Macnish, dans lequel on voit que même « cette mémoire organisée, qui permet de parler, de lire, d’écrire, n’est pas un fond commun aux deux états », jusqu’au cas du somnambule qui se rappelle dans un accès ce qu’il a fait dans l’accès précédent et jusqu’à l’ivrogne qui ayant perdu un paquet dans un état d’ivresse ; peut le retrouver en redevenant ivre, en passant par les cas de Felida et de la malade du docteur Dufay, on voit la scission du moi en deux parties diminuer de plus en plus d’importance et les deux vies différentes se pénétrer de plus en plus et se confondre presque. Chez l’homme à l’état normal (remarquons que l’ivrogne établit déjà une transition entre le malade l’homme sain), on trouve de même une sorte de division du moi. L’homme est pour ainsi dire composé de plusieurs moi qui ont un fond commun et se confondent jusqu’à un certain point, mais pas complément, et l’on peut très bien couper artificiellement une personnalité en plusieurs morceaux et montrer que cette division correspond à quelque chose de réel. On peut de plus, ce qui ne peut se faire à l’état morbide, voir les causes de cette division de la personnalité.

Cette division du moi est moins marquée à l’état normal qu’à l’état morbide ; elle se caractérise d’ailleurs de la même manière par la formation de plusieurs groupes distincts de phénomènes et de tendances, et elle est peut-être plus profonde qu’on ne serait porté à le croire après un examen superficiel ; elle porte en effet non seulement sur les faits de conscience, c’est-à-dire sur la partie de l’esprit la moins organisée et la plus mobile, mais aussi sur quelques-unes de ces habitudes qui commencent à devenir à peu près inconscientes.