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DELBŒUF. — déterminisme et liberté

cercle décrit pendant ce temps. Quel mouvement faudra-t-il imprimer à la planète pour que cet arc devienne une ligne droite ? Évidemment, il lui faut faire décrire un arc de cercle égal, mais placé symétriquement par rapport à la perpendiculaire élevée au milieu de la droite qui relie les deux corps. Mais si, pendant un temps fini, la planète décrit un tel arc de cercle, c’est qu’elle est, elle aussi, soumise pendant ce même temps à des conditions de mouvement semblables à celles de son satellite, c’est-à-dire qu’elle est elle-même attirée vers un centre situé à l’origine de l’arc décrit par son satellite. Par conséquent, elle continuera, elle aussi, à se mouvoir circulairement autour de ce point ; et, dès lors, il est clair que le satellite se mouvra en apparence indéfiniment sur une droite limitée égale au double du diamètre de la circonférence sur laquelle il se meut en réalité.

L’exemple particulier est concluant, et l’on conçoit sans peine que l’on pourrait donner, avec plus ou moins de difficulté, une démonstration analogue si, au lieu d’une fraction de droite, le satellite avait dû soit décrire une fraction d’ellipse, ou de parabole, ou de cycloïde, ou de toute autre courbe définie, soit rester en repos.

D’ailleurs, il n’en peut être autrement. Dans un système défini comme nous l’avons fait, et dont le caractère complet se dessine dans un fragment quelconque du trajet de la moindre parcelle, il ne peut y avoir de point absolument en repos, — nous ne parlons plus du centre de gravité — car alors tout le système serait au repos. Il ne peut y avoir non plus de point mû d’un mouvement rectiligne et uniforme, car il en serait encore ainsi de tout le système, et le mouvement uniforme dans l’espace absolu et vide ne se distingue pas du repos.

V

Il existe des mouvements discontinus.

Une courbe continue peut donc être discontinue en apparence. Un mobile peut accélérer ou ralentir sa course, changer de direction, revenir sur ses pas, sans qu’il y ait pour cela discontinuité dans ses mouvements. Notre ignorance est grande ; et il n’est pas étonnant que l’imagination des premiers peuples, frappée des mouvements irréguliers des planètes, les ait crues guidées par des génies ou par des dieux. Mais cette erreur même prouve que nous sommes tentés