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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

marquons d’abord que cela n’empêcherait pas les zoïdes de rester distincts ; ajoutons que M. Perrier ne s’est pas posé cette question indiscrète, et que les seuls exemples de dêmes qu’il cite sont empruntés aux Acalèphes. Il n’y aura point de passage de la biologie fondée sur l’association à la société humaine.

Eh bien, cette barrière n’a pas paru suffisante à M. Perrier pour le tranquilliser au sujet d’une invasion possible de l’évolution biologique dans les sciences morales. Il a voulu la consolider encore en signalant dans l’individu humain une force nouvelle, nouvelle comme la vie l’est, selon lui, dans le monde chimique au moment où elle apparaît pour la première fois. Cette force, c’est encore un tourbillon spécial, un mode de mouvement sui generis. Le mouvement de quoi ? De l’éther. « Distincte de la matière, elle ne saurait siéger que dans ce merveilleux éther des physiciens qui baigne toutes les particules matérielles, participe à tous leurs tressaillements, nous les transmet, et devient ainsi l’instrument de l’étroite solidarité qui unit toutes les parties de l’univers, le lien invisible qui relie entre eux tous les mondes. » (p. 780.) Quand nous nous efforçons de bien faire, nous travaillons par là même à nous constituer dans l’éther un tourbillon durable, gage de notre immortalité. Voici les dernières lignes du livre : « Etres chéris dont la mort a touché le front, il nous plaît de penser que votre existence bénie a obtenu le suprême couronnement, que vous pouvez ressentir encore l’affection que nous vous gardons au fond de nos cœurs, et que votre pensée radieuse ne s’est pas éteinte pour jamais, alors que se conservent éternellement dans l’éther infini les vibrations de l’étoile qui luit aux cieux. » Nous sommes en présence d’une conviction religieuse, nous nous inclinons, nous ne discutons plus. Il est évident seulement que, si l’âme humaine apparaît avec ces traits à M. Perrier, il ne pouvait songer à faire de la conscience humaine l’aspect intérieur du consensus organique, et de l’individualité humaine l’unité à la fois physiologique et morphologique de l’organisme humain, variable avec lui et partageant toutes ses vicissitudes. C’est avec satisfaction qu’il crût trouver dans sa théorie des segments la preuve que le moi physiologique et le moi psychologique n’ont rien de commun, puisque la simplicité de l’un s’oppose à la pluralité de l’autre.

Les résultats scientifiques de ce considérable effort ne peuvent être contestés sans injustice et, nous les estimons très haut. Les Colonies animales résument avec clarté au profit de la théorie de l’évolution les recherches les plus récentes de la science européenne sur l’anatomie comparée et l’embryogénie ; elles interprètent en termes sociologiques tout le processus formatif des organismes tant