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vrait reconnaître que la conscience est chose relative comme l’individualité, que comme celle-ci elle est susceptible de plus et de moins ; il devrait même aller plus loin encore. De même que les divers centres de conscience ne forment qu’une seule conscience quand les divers organes se fusionnent en un seul organisme et que l’individualité psychique se transporte alors des parties au tout, de même, quand divers individus humains s’associent et s’organisent, les consciences partielles se fusionneraient en une conscience totale et n’en feraient plus qu’une seule. Que deviendrait dès lors le caractère absolu, transcendant de la personne humaine ? Ce sont là pourtant les conséquences de l’organicisme évolutionniste, Ces conséquences, M. Perrier les rejette à priori, comme il repousse à priori la théorie du carbone et la continuité de l’évolution à partir des atomes chimiques jusqu’aux premiers protoplasmes. Il veut bien de l’évolution, mais d’une évolution circonscrite au domaine de la vie, protégée au début et à la fin contre les généralisations compromettantes par des barrières infranchissables. Il veut bien de la science, mais d’une science circonspecte et qui ne trouble point les métaphysiciens. Il a donc dû nécessairement faire appel pour élever sa seconde barrière à tous les moyens dont il disposait. La théorie de l’individu morphologique offrait à ce point de vue de sérieux avantages.

S’il est vrai que le zoïde soit, comme le méride et le plastide, un individu dans toute la force du terme, c’est-à-dire un vrai type de vie indépendante, n’ayant besoin, pour durer et se reproduire, d’aucun secours, non seulement ce type était de ceux qui se trouvaient déjà préordonnés dans le protoplasme primitif et à qui l’action stimulante des circonstances a suffi pour éclore, mais encore, au terme de son évolution, ce type ne pourrait jamais passer au rang d’organe. L’organe et l’individu, on s’en souvient, ne sont pas de la même série, Par conséquent, la société humaine, soit familiale, soit politique, ne pourra pas donner lieu à l’application des mêmes lois que l’association des éléments anatomiques. Il y aura bien entre elles des « ressemblances » ; l’une pourra offrir l’image de l’autre (p. 783), et, en effet, on a dit que les sociétés animales présentent les mêmes faits d’adaptation réciproque, c’est-à-dire d’organisation, c’est-à-dire de fusionnement des organismes et des consciences, que les « colonies » (p. 713) ; mais ce qui est vrai des sociétés animales ne sera pas vrai des sociétés humaines ; entre les unes et les autres, il y aura de lointaines analogies, voilà tout. Et le Dême ? Est-ce que les zoïdes humains ne pourraient pas former en s’associant un dême comme les coraux ? le dême n’aurait-il pas rang d’individu réel, concret ? — Re-