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suffisante que nous soyons actuellement des zoïdes composés de mérides, même avec les atténuations voulues, ce fait unique que les embryons humains ont un rein volumineux. Il fallait aborder de front la difficulté, examiner le squelette, le système nerveux, qui enfin a bien son importance, et le système vasculaire et l’appareil digestif. Il fallait surtout montrer le polymorphisme à l’œuvre pour former avec des mérides les diverses formes des vertébrés. Une simple indication des ressemblances entre l’appareil uro-génital des vertébrés inférieurs et des annélides ne suffisait pas. Nous avons tenu à exposer le corps de l’ouvrage dans ses diverses proportions ; on conviendra que, dans une théorie de l’individualité et de la formation des organismes, c’est accorder bien peu de place aux organismes supérieurs (le nœud de la question !) que de leur réserver 40 pages sur 798. On s’étend avec complaisance sur les colonies, si bien que le livre usurpe un titre qui ne convient qu’à une partie du sujet, aux zoïdes avortés, non individualisés ; c’est qu’en effet la théorie rend compte surtout de la manière dont se sont formées les colonies où les éléments composants restent distincts. Et encore elle reste muette sur la vraie nature et le vrai rôle des parties dont la signification morphologique est faible, mais dont le rôle physiologique et centralisateur est considérable comme le système vasculaire des Coralliaires et des Tuniciers, le système nerveux des animaux inférieurs, parce que le système nerveux est l’argument le plus fort contre la morphologie particulariste qui a séduit l’auteur. Mais, quand il arrive aux « animaux simples », son abondance se tarit, et il se hâte d’entrer dans les généralités.

Nous ne prétendons pas que le point de vue soit faux ; nous soutenons seulement qu’il le devient, parce qu’il est exclusif ; les segments peuvent bien jouer quelque rôle dans la distribution des organes, et il est vraisemblable que dans la succession des espèces les choses se, sont passées comme le dit M. Perrier ; mais ce ne sont pas les segments qui importent le plus dans la physiologie des animaux supérieurs, des vrais individus au sens ordinaire du mot, ce sont les organes. Les accessions successives des provinces françaises ont certes de l’importance dans notre histoire ; mais la formation des grands organes par lesquels s’est constituée l’unité nationale, gouvernement, justice, armée, représentation, n’en a pas moins. Il est inexact de faire pivoter la biologie sur le méride et le segment, comme l’histoire sur la délimitation des provinces, du moins à partir du moment où la centralisation s’établit. Alors les uns et les autres n’ont plus d’histoire propre.

Il est vrai que dans l’évolution des organes il n’y a rien de prédé-