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pant tendent à former des individualités nouvelles ; leur consensus n’atteint-il pas à la solidarité complète ? Alors le tout qu’ils forment est une colonie : exemples les colonies d’éponges, les colonies d’hydres, les colonies de polypes coralliaires, les colonies de Bryozoaires, les colonies d’Ascidies. Dans chacune d’elles, les mérides restent distincts. Les colonies fixées ne dépassent pas ce stade. Supposons-les capables de locomotion ; les mérides tendent alors à se fusionner, le polymorphisme se manifeste, le consensus organique s’établit ; l’ensemble des mérides est investi du pouvoir de se suffire à lui-même ; un nouvel individu se forme, C’est un Zoïde ; les méduses, les Siphonophores, les Pyrosomes, les Vers, les Anthropodes, les Mollusques et les Vertébrés sont des Zoïdes. La distinction des mérides peut dans cette forme devenir difficile ; mais, quelque énergiques qu’aient été l’action du polymorphisme, l’attraction des tissus similaires et l’accélération des phases embryogéniques, cette distinction est fondamentale ; un zoïde est toujours composé de mérides, dont la trace doit se retrouver sinon dans l’évolution individuelle, du moins dans l’évolution du type, grâce aux formes ancestrales. Maintenant, que les zoïdes incomplets ou colonies et les zoïdes proprement dits se multiplient sans se séparer de leurs descendants, leur ensemble formera une individualité de quatrième ordre, le Déme ; on aura le banc de Coraux, les Rénilles, les Virgulaires, les Pennatules[1].

On ne voit du premier coup d’œil dans ce tableau qu’une classification très claire et très simple des individualités composées, et la séduction de cette clarté est telle qu’un long temps et une pénétrante attention sont nécessaires pour en découvrir la portée et les défauts. Elle cache à notre avis des conséquences philosophiques assez graves et un vice essentiel.

La théorie de M. Perrier ne tient pas compte de l’organe. Pour lui, l’organe fait partie d’une série d’individualités qu’il appelle physiologiques. Cette série comprend les plastides, organe, l’appareil ou ensemble d’organes divers servant à l’accomplissement d’une seule fonction. Elle s’oppose à la série des individualités morphologiques, plastides, mérides, zoïdes et dêmes. Morphologiquement, l’organe n’est qu’un ensemble de parties empruntées à différents mérides ; il ne peut se suffire à lui-même, il n’a jamais pu prétendre à vivre sans le secours physiologique des autres organes ; par conséquent, son individualité est tout abstraite ; c’est une vue de l’esprit ; historiquement, dans la filiation des formes, l’organe n’a pas de place ;

  1. Aucun exemple n’est donné des Dêmes linéaires, bien que mention en soit faite dans le tableau phylogénétique.