Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/599

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
595
A. ESPINAS. — études sociologiques en france

sont consignées. C’est cet esprit qui, joint à sa compétence spéciale, lui à permis de rendre à la biologie un service considérable, celui de renouveler non seulement un point de doctrine, mais la doctrine générale elle-même. Il était prévu que la sociologie à peine constituée entraînerait de nouveaux progrès pour la science de la vie, « La biologie, écrivions-nous en 1876, constituée avant la sociologie, ne peut être achevée sans son secours. Elle constate en effet les groupements des organismes élémentaires, et même elle en fixe les lois partielles, mais jusqu’Impuissante à trouver la loi générale qui les explique[1]. » Et en effet ces deux classes de faits s’éclairent singulièrement quand on les rapproche. Wundt et M. Janet font à cette méthode une de ces objections logiques qui paraissent triomphantes : vous expliquez, disent-ils, la société en disant que c’est un individu ; et, quand on vous demande ce que c’est qu’un individu, vous répondez que c’est une société. Nous voilà bien avancés ! Mais, je le demande, est-ce que ce n’est pas expliquer la respiration de la plante que de la rapprocher du fait tout semblable de la respiration des animaux ? Est-ce qu’il n’y a pas quelque avantage pour la zoologie à trouver dans la botanique la raison des adaptations relativement récentes qu’a subies la bouche de l’insecte lors de l’apparition des fleurs gamopétales, et pour la botanique à trouver dans la zoologie la raison des couleurs et de la forme de ces fleurs, contemporaines des insectes à trompe ? Nous ne connaissons pas d’autre manière de rendre raison des phénomènes que d’établir entre eux des rapports réciproques, ou connexions, par où il devient évident qu’ils appartiennent à un même genre et peuvent être pensés à la fois, ce qui est un grand allégement pour l’esprit. La simplification est encore plus considérable, et l’élan imprimé à la pensée plus vigoureux, quand les phénomènes connexes peuvent être rangés en série et former une succession de groupes similaires, mais de plus en plus complexes. C’est précisément ce qui arrive pour les phénomènes de la vie et les phénomènes de l’ordre social ; non seulement ils se rattachent les uns et les autres à l’idée générale d’organisation, mais ils présentent une vaste série de faits et de formes organiques de plus en plus complexes, unis les uns aux autres dans leur similitude fondamentale par une différentiation progressive, qui prouve que les uns ne sont que le développement des autres. Loin de reconnaître qu’il y a là un cercle vulgaire, nous persistons à croire que c’est une phase nécessaire du développement des sciences, d’abord isolées, ou superposées sans rapports intimes, puis rattachées les unes aux autres par les liens d’une

  1. Sociétés animales, p. 218.