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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

d’un individu central et d’un nombre au moins égal à cinq d’individus rayonnants. » (p. 623.) La larve d’ailleurs porte plusieurs ceintures de cils vibratiles ; c’est une larve à anneaux ciliés, une larve d’annélide[1], qui se fixe chez les Crinoïdes et reste libre chez les Echinides et les Astéries. Huxley affirme nettement que les échinodermes sont des vers modifiés ; c’est une opinion qu’il a émise, dit-il, il y a vingt-huit ans ; mais il n’a pas cherché à déterminer la valeur morphologique de leurs parties au point de vue de l’individualité.

La dérivation des mollusques à partir des vers est également pressentie depuis quelques années d’après les indications de l’embryologie[2]. Ce qui appartient en propre à M. Perrier, c’est de considérer leur corps, chez les hélix par exemple, comme celui d’une annélide enroulée, dont l’extrémité postérieure serait, non Le bord actuellement postérieur du pied, mais le sommet de la spirale. Ils marcheraient sur une bouche munie de bourrelets considérablement amplifiés. Tous, les acéphales mis à part, seraient donc des céphalopodes. Tous auraient eu à l’origine des coquilles dont les embryons portent la trace. Leurs ganglions nerveux se ramènent, non sans effort, à cause de la longue adaptation, à une chaîne ventrale réduite à trois segments. Les acéphales seraient des gastéropodes dégénérés, et leur apparition postérieure à celle des Ptéropodes et des Gastéropodes, plus parfaits qu’eux, dans les couches géologiques, au lieu de s’élever contre la théorie de l’évolution, lui apporterait, si les mollusques dérivent des annélides[3], un nouvel appui. La larve de tous les mollusques ressemble à une trochosphère (larve à ceinture ciliée) d’annélide. La double expansion membraneuse frangée de cils vibratiles qu’on appelle le voile apparaît de bonne heure, comme chez la larve des serpules : elle rappelle les ailes du Ptéropode, forme ancestrale la plus ancienne du genre. Le pied apparaît aussitôt à la base du velum ; sa nature céphalique ne peut être contestée. Ce n’est que plus tard qu’il prend, sous l’influence de l’exercice, une expansion extraordinaire, et semble par une fusion graduelle, poussée à l’extrême chez les acéphales, absorber le reste du corps[4], Enfermé dans un tube clos de toutes parts, sauf à une extrémité antérieure, le corps a perdu toute trace de segmentation, et c’est autour de la

  1. Voir dans Huxley, Anatomie comparée des invertébrés, p. 21, la discussion de ces vues sur les rapports des échinodermes avec les vers.
  2. Huxley, Anatomie comparée, p. 196, et note de M. Giard, p. 201.
  3. Des annélides céphalobranches tubicoles, capables de mouvement, seraient leurs ancêtres.
  4. M. Perrier tire le même parti de la parenté de la larve des brachiopodes avec la larve des annélides ; seulement au lieu de les rattacher aux mollusques, il les rattache directement aux vers.