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mort. Chez les Insectes les anneaux se groupent et se centralisent. De même chez les Crustacés et les Limules, mais chez tous on arrive à discerner comment les organes dérivent de la transformation tantôt de l’un, tantôt de l’autre des individus qui composent la colonie, et l’embryologie montre tous ces animaux réduits quand ils naissent soit à l’individu céphalique, comme chez les Crustacés, soit à une série de segments semblables, comme chez les Araignées. L’évolution de l’individu, plus abrégée chez celle-ci, rappelle seulement le progrès de la centralisation organique ; chez les autres, où les phases antérieures sont mieux conservées, elle reproduit de plus la multiplication agame des segments similaires. C’est elle qu’il faut consulter pour retrouver ce processus chez les articulés déformés par la vie Parasitaire comme les Cirripèdes.

Les Turbellariés inférieurs nous montrent l’annélide en voie de formation. Par exemple, qu’est-ce que le Microstomum lineare, si ce n’est une colonie de seize individus dérivant par voie de segmentation d’un individu unique auquel ils deviennent identiques aussitôt qu’ils se détachent pour bourgeonner à leur tour ? Les Rhabdocæles présentent à un degré d’organisation supérieur le genre Catenula, qui reproduit le même type social, analogue dans la série des organismes errants un strobile des médusaires. « Les annélides, disait Huxley en 1874, sont des turbellariés rendus polymères par la segmentation du mésoplaste. » M. Perrier développe admirablement ce thème. Les Trématodes vivant en colonie ne sont que la répétition presque indéfinie du Trématode individuel qui garde tout ce qui lui est nécessaire pour vivre indépendant quand il est expulsé sous forme de proglottis. Une telle indépendance physiologique des parties rend l’individualité du tout extrêmement faible. L’auteur lui applique le nom de colonie et lui refuse celui d’individu. Nous examinerons plus tard si la distinction a toute l’importance qu’il lui prête. Les vers aquatiques, les Dero, les Naïs, les Chœtogaster, les Tubifex sont doués à différents degrés de la faculté de pousser leur accroissement individuel si loin qu’une partie des anneaux se détache pour vivre à part ; ils nous conduisent par les petits vers blancs des jardins, les Enchytræeus, aux Lombrics proprement dits, qui sont donc aussi des sociétés capables du même accroissement quand on les diminue, mais bien plus individualisées. Quelques-uns atteignent la taille d’un mètre dans certaines parties du monde, et tous présentent, grâce à une division du travail supérieure, une intelligence incontestable, dont Darwin vient d’étudier les curieuses manifestations. La fameuse opération, qui consisterait à doubler le ver terrestre en le coupant