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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

veaux veaux groupes de plus en plus différents et de plus en plus solidaires. — Entrons dans les détails de ce processus, qui est l’histoire même du type auquel nous nous rattachons.

Cette lignée privilégiée commence aux infusoires. Quelques-uns d’entre eux chez lesquels le microscope ne peut découvrir aucun élément distinct paraissent cependant à l’auteur beaucoup trop différenciés pour qu’on ne voie pas en eux le résultat d’une association entre des cellules polymorphes ultérieurement fusionnées. Des instruments variés de locomotion et d’attaque, un tube digestif ou du moins des portions de tube digestif, une vésicule contractile, des traces d’un appareil vasculaire, des organes sexuels, tels sont les caractères qui rendent à ses yeux de plus en plus douteuse l’assimilation qu’on a faite des infusoires ciliés à de simples cellules. Les Orthonectida récemment découverts par M. Giard, les Rotifères, les Gastérotriches, viendraient ensuite à des degrés divers d’organisation ; ils seraient assimilables à un anneau unique d’annélide. Jusqu’ici, la direction est à peine marquée ; aucune tige ne s’élève au dessus des pousses multiples qui commencent à poindre comme à la surface d’un jeune semis. Mais à ce moment la possession ou le manque de cils locomoteurs aurait déterminé la bifurcation de l’arbre phylogénétique en deux grands rameaux.

Les animaux en possession de cet avantage sont devenus des Annélides ou des Vers. Ceux qui en étaient dépourvus, obligés de se protéger d’une autre manière, se sont revêtus d’une enveloppe chitineuse et ont abouti aux Arthropodes. Les deux séries sont parallèles.

Commençons par la seconde. Les Péripates et les Myriapodes représentent à peu de chose près le type colonial primitif. Le corps des premiers est divisé en anneaux bien apparents, munis chacun de mamelons coniques analogues aux pieds membraneux des chenilles et de deux trachées rudimentaires. L’anneau céphalique est à peine différencié des autres. L’indépendance morphologique et physiologique des anneaux est telle que le tube digestif lui-même présente des étranglements où la trace de la séparation primitive est évidente. Ces étranglements ont disparu chez les myriapodes, mais pour tout le reste ils diffèrent peu des Péripates. Les uns et les autres, sauf quelques exceptions, quittent l’œuf avec un petit nombre d’anneaux qui se multiplient par bourgeonnement dans les premiers temps de la vie ; tous sont identiques. Seulement la nature des enveloppes, imposant aux anneaux des myriapodes un caractère défini, a nécessité dans le passage de l’un à l’autre la formation de canaux vasculaires d’où le liquide s’échappe quand an coupe l’animal, et, les tissus ne pouvant pas se réformer immédiatement, cette opération entraine la