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former[1] non seulement des arborisations, mais des cormus réguliers, dont l’organe central, le cloaque, est pourvu d’un appareil de sensation et d’action collectives ; cependant la plasticité fait défaut à ces organismes déjà trop spécialisés ; leur individualité déjà tranchée se maintient contre la tendance au polymorphisme qui sollicite toute société et s’oppose, de concert avec la fixation du cœnobium, à la formation d’une individualité supérieure.

Revenons maintenant à la grande voie qui de la monère condait à l’homme par une série de groupements ou d’associations de plus en plus complexes. Nous touchons ici à la partie la plus originale et la plus attachante du travail.

La colonie linéaire est le type d’association auquel appartenait l’avenir, nous l’avions établi[2]. M. Perrier Le confirme abondamment.

Pour expliquer la substitution de la symétrie bilatérale à la symé-disposition rayonnée, il suppose que les embryons nageurs ont été par une simple augmentation de poids entraînés sur le sol. Leur corps mou s’est dans cette position aplati nécessairement. Leur orifice buccal a dû se tourner vers la direction où les aliments se présentaient, c’est-à-dire également vers le sol. C’est de ce côté que la marche a eu lieu ; la bouche a entraîné après elle toute la colonie à la recherche de la nourriture, à la poursuite de la proie. Une face dorsale et ventrale, une moitié droite et une moi gauche, un côté antérieur et postérieur, ont été ainsi déterminés. Rien de pareil n’existe chez les rayonnés. « Une éponge, une hydre, une anémone de mer, une ascidie même n’ont à proprement parler ni dos ni ventre, ni droite ni gauche. » Les naturalistes ne réussiront jamais à se mettre d’accord sur ces questions, mal à propos posées au sujet de l’ascidie.

Mais les tissus des différents anneaux n’ont pu rester en contact sans tendre à se souder plus intimement et à se fondre les uns dans les autres. Une loi générale le voulait ainsi. Les expériences faites sur les hydres permettent de la dégager : « Lorsque deux tissus vivants de même nature (deux parties d’entoderme ou d’ectoderme) arrivent à se rencontrer et à se presser l’un contre l’autre, ils se soudent. » C’est un souvenir de la parenté des protoplasmes. Ainsi se formeront des groupes d’anneaux plus compréhensifs. Puis, cette concentration une fois opérée, la division du travail rendra les nou-

  1. Nous avons montré, d’après M. Giard, que ce progrès s’opère sous la pression de deux circonstances sélectives : l’agitation des végétaux auxquels elles sont fixés et la nécessité de se garantir des parasites par l’occlusion da l’orifice cloacal (p. 252).
  2. Sociétés animales, p. 259.