Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/589

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
585
A. ESPINAS. — études sociologiques en france

point de vue sociologique, la physionomie de deux classes dont l’origine demeure problématique, et qui, pour la même raison que les coralliaires, ont eu une carrière très bornée dans la voie de l’individualisation. Nous voulons parler des Bryozoaires et des Tuniciers.

Les Bryozoaires fixes ne présentent rien moins que quatre classes d’individus composants : les aviculaires, singuliers appendices toujours en mouvement qui dépendent de la colonie ; les vibraculaires, qui sont, comrne les précédents, des individus modifiés pour un usage spécial, et les deux animaux les plus apparents, le Bryozoaire nourricier avec sa loge, qui n’est autre qu’un individu reproducteur. M. Joliet a établi que ces associations ne sont pas, comme on l’avait cru, unifiées par un système nerveux ; les individus ne sont émus simultanément que par les chocs qui ébranlent toute la colonie ; on peut même en extraire l’un d’eux sans que les voisins s’en aperçoivent, pourvu qu’on s’y prenne avec précaution. Certains Bryozoaires d’eau douce sont capables de locomotion : ce sont les Cristatelles, sorte de semelle renflée dont le dos est garni de plumules et qui rampe sur-les plantes aquatiques. La cristatelle est douée d’une individualité plus marquée que celle des Pédicellines et des Flustres. Sa forme est celle d’une limace aplatie ; la coordination de mouvements nécessaire à sa reptation implique un lien physiologique entre ses diverses parties. Quelque chose comme une conscience sociale se dessine ici, obscure comme le mouvement est lent. Les Cristatelles correspondent aux Alcyonnaires nageurs et dans une série différente sont situées à peu près au même niveau.

On a cru voir dans les Ascidies les ancêtres des Vertébrés. M. Perrier voit en elles, au contraire, après Dohrn, les descendants dégénérés d’un vertébré rudimentaire, dont des conditions défavorables d’existence (parmi lesquelles la fixation) auraient précipité la décadence au moment où il venait à peine de se dégager de la souche des vers. Le « vénérable » Amphioxus, qui vit enfoncé dans le sable, présenterait un cas semblable de régression. Il est vrai qu’il y a des Tuniciers nageurs ; mais ils Sont mal armés pour la concurrence vitale et, loin de pouvoir atteindre un haut degré d’organisation, ils ont dû la plupart recourir à la transparence pour échapper à leurs ennemis. Les Salpes agrégées forment une chaine où tous les individus jouent un rôle semblable et que le polymorphisme n’a pas atteinte. Seul le Pyrosome s’élève un peu plus haut. La phosphorence des individus quile composent dépend de la volonté générale, et leurs mouvements sont également coordonnés. Quant aux ascidies fixes, elles ont pu