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et d’appareils de nutrition et de reproduction, sont passés peu à peu du rang d’organes au rang d’individus sexués. « Dans l’étendue d’un seul genre, tous les passages du simple sac reproducteur à la méduse complète peuvent se rencontrer. » — « Louis Agassiz a cru voir que suivant la saison les Méduses produites par la Coryne mirabilis peuvent devenir libres ou pondre sans se détacher de la colonie. » Mais cette première délégation du travail en entraîne une autre. Dans un cormus d’hydres, l’individu qui accomplira le mieux ce travail de prolifération de bourgeons sexués cessera bientôt d’être propre au travail de préhension et de nutrition ; il y aura donc dans la colonie, à côté des individus nourriciers (gastrozoïdes), des individus reproducteurs non sexués (gonozoïdes}), chargés spécialement de la production de fleurs voyageuses (p. 273). D’autres individus se rapprochent encore plus du rôle d’organes et deviendront par avortement soit des tentacules coloniaux (dactylozoïdes), soit des épines cornées. Les excitations des objets extérieurs, la situation du polype dans le cormus, le balancement des forces organiques disponibles, bref l’action du milieu interne et externe sous l’aiguillon de la concurrence vitale, expliquent, aux yeux de M. Perrier, très suffisamment toutes ces transformations. La phase de strobilation n’est que le retour de la méduse au mode de propagation agame, dont les avantages si considérables pour la multiplication de l’espèce ont dû être recueillis par la sélection aussitôt que les circonstances l’ont ramenée chez quelques individus déjà pourvus de glandés génitales.

Mais la part que prend dans la genèse de ces différentes formes la génération asexuée doit, d’après le principe posé, entretenir l’aptitude à la variation : et, en effet, les types spécifiques témoignent chez les polypes hydraires d’une flexibilité inconnue dans les régions supérieures de l’animalité, flexibilité qui a rendu l’étude de ces animaux extrêmement difficile. M. Perrier a essayé de rendre compte par la même méthode de cette prodigieuse multiplicité de formes ; il y a souvent réussi ; il n’a pu le faire qu’en s’enfonçant dans des détails délicats, où il ne nous appartient pas de le suivre.

2o Jusqu’ici, le processus d’individuation n’a porté que sur chaque tige du cormus ; que la larve ciliée d’où il dérive, au lieu de se fixer, reste flottante, la nécessité de correspondre à des circonstances plus variées déterminera dans les différentes tiges une convergence physiologique, puis psychologique, qui les ramènera au rôle d’organes, tandis que l’individu total ainsi formé jouira d’une personnalité nettement définie. Tel est le principe du siphonophore. Il ne fut à l’origine que ce que sont encore quelques types inférieurs du groupe (Rhizophyse), c’est-à-dire une série de polypes naissant isolé-