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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

hydres. » Seulement les pores sont fermés, et l’oscule joint les fonctions d’une bouche à celles d’un anus, De plus, la fusion, la différenciation et la subordination des éléments sont ici plus avancées ; il en résulte que l’individualité est beaucoup plus nette. L’hydre marche en culbutant pour aller vers la lumière, elle chasse avec ses bras plusieurs proies à la fois, elle se coupe ou se fend pour échapper aux situations critiques auxquelles les expérimentateurs l’exposent. C’est une personne. Le succès du retournement de ces polypes montre bien que la différenciation de l’entoderme et de l’exoderme c’est-à-dire des couches cellulaires intérieures et extérieures, tient à la place même qu’elles occupent ; la place changeant, les cellules s’adaptent à de nouvelles conditions. Aussi les individus composants jouissent-ils encore d’une vie propre. Ils peuvent se suffire à eux-mêmes quand on les sépare du tout. Ils peuvent aussi former association avec des individus provenant d’une autre hydre ; des morceaux enlevés à des hydres différentes se soudent et deviennent une hydre distincte. Tous sont également capables de coloniser par bourgeonnement ou par division. Si cette indifférence des éléments à toutes les fonctions ne se retrouve plus chez les animaux plus élevés, c’est que leur position les a voués de génération en génération pendant un long temps à une fonction unique, fixée par l’hérédité comme la position même.

Maintenant, quand l’hydre se multiplie en se ramifiant, il suffit, pour qu’elle réalise la société à deux degrés déjà observée chez l’éponge, que ses divers individus composants adoptent des fonctions distinctes. Ils le feront selon le même principe, en raison de la place qu’ils occuperont dans la colonie. Ce passage à la vie sociale, l’hydre ne fait que l’ébaucher dans des cas exceptionnels ; il est devenu normal et a produit des formes achevées chez un grand nombre de polypes.

1o Sars a montré que les Méduses (Polypes hydraires) ne sont que des hydres modifiées. Reprenant cette idée, M. Perrier interprète à la lumière des principes sociologiques (division du travail et délégation des fonctions) les formes multiples revêtues par les polypes hydraires, des plus simples aux plus complexes. Il établit que les bourgeons de l’hydre doivent, dès que les cellules composantes ont toutes le même pouvoir reproducteur, naître indifféremment sur toutes les parties de son corps ; que, si ces bourgons apparaissent sur les tentacules, ils se détacheront plus facilement ; qu’en réalité c’est ce qui a lieu chez un grand nombre de polypes hydraires ; que dès lors des moyens d’existence ont dû être assurés à ces bourgeons mobiles, et que par suite ceux-ci, graduellement pourvus d’organes locomoteurs