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A. ESPINAS. — études sociologiques en france

dans les sociétés animales l’action bonne est simplement l’action conforme aux lois organiques du groupe comme être vivant, était d’établir que la morale dépend de la politique, c’est-à-dire qu’elle à son principe dans les conditions d’existence du groupe et que l’une et l’autre sont choses relatives, bien que justement devenues sacrées, comme sauvegardes suprêmes des intérêts communs. Des deux propositions fondamentales sur lesquelles nous avions appuyé notre démonstration, l’une que l’individu est une société, l’autre que la société est un individu vivant, un corps organique, la première n’a pas été contestée, et elle vient d’être confirmée par une magnifique étude de morphologie animale, les Colonies animales de M. Perrier[1] ; la seconde est généralement repoussée encore, du moins en France et nous avons à la maintenir contre les critiques bienveillantes d’un précieux allié, M. Fouillée, auteur d’un ouvrage attrayant et profond sur Science sociale. Exposer la théorie de M. Perrier, recueillir et combattre les objections de M. Fouillée, maintenir par conséquent notre position d’il y a sept ans au sujet des rapports nécessaires de la sociologie avec la biologie, telle est le double but que nous nous proposons dans cet article et celui qui suivra.

I

Personne ne nie plus que l’être vivant soit composé d’éléments anatomiques physiologiquement et morphologiquement distincts. La théorie cellulaire est le fond même de la biologie moderne. Mais, si l’on admet unanimement que tout individu, sauf la cellule, se résout en individus élémentaires, on ne sait pas encore ce qu’il faut penser des unités intermédiaires qui s’échelonnent entre la cellule et la personne totale dans un même individu, ni de quelle façon on peut concevoir la formation des individualités supérieures à partir des premières associations de cellules.

Le plan suivant lequel les invertébrés sont construits sous ce rapport a été déjà aperçu par Moquin-Tandon. On sait qu’ils se composent d’une chaine de parties primitivement similaires dont la différenciation et la concentration progressives ne masquent pas entièrement l’autonomie. Mais on se refuse encore généralement à étendre

  1. Les Colonies animales et la formation des organismes, par Edmond Perrier, professeur administrateur au Muséum d’Histoire naturelle ; Paris, Masson, ed. 1881.