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LES ÉTUDES SOCIOLOGIQUES EN FRANCE


LES COLONIES ANIMALES


Une science n’est constituée que quand sa place dans l’ensemble des sciences est définie. Si les faits et les idées assez disparates qui tendent à former la science sociale sont encore à l’état de confusion, c’est précisément parce que les rapports de cette science avec la biologie, bien que déjà signalés en plusieurs endroits, ne sont pas généralement reconnus. Il y a une multitude de savants qui étudient ce qu’ils appellent la politique, le droit, l’économie politique comme s’il s’agissait d’objets absolument séparés du reste de l’univers, et que le monde social formât un tout indépendant, n’ayant aucun lien d’origine et de nature avec le milieu cosmique. Aussi se servent-ils des méthodes scolastiques avec une imperturbable sécurité ; vous entendrez la plupart de nos juristes déclarer en chœur que l’économie politique expérimentale par exemple ou la démographie ne sont pas des sciences, parce qu’elles recueillent des faits et ne partent pas de principes certains. Commenter des formules avec des formules, invoquer les principes à tout instant, expliquer les lois non par le milieu historique, mais les unes parles autres, comme des théorèmes de géométrie, à la bonne heure, voilà un travail scientifique. On ne s’aperçoit pas que ces principes sont eux-mêmes des généralitions tirées de faits variables, qu’ils résument un état de l’opinion, un moment du processus social en un point donné de l’espace et du temps, et que depuis qu’on les invoque comme axiomes ils ont varié de nouveau, faisant place à d’autres qui se transforment à leur tour avec les éléments sociaux dont ils expriment les rapports. De ce point de vue, nos Facultés de droit, sauf d’éminentes exceptions individuelles, partagent avec les grands séminaires le privilège d’avoir conservé dans leur intégrité la méthode et le tour d’esprit des docteurs du moyen âge. À peine sur quelques points cette prétention à la rigueur géométrique est-elle atténuée par quelques emprunts faits à la méthode de l’histoire. Quant aux philosophes, le regain de spiritualisme que ces dernières années nous ont apporté