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Domingos Tarrozo. Philosophia da existencia, esboço synthetico d’uma philosophia nova. — Ponte de Lima, 1881. xxxii-151, p. in-12.

M. Domingos Tarrozo, ardent compatriote du Camoens et de Vasco de Gama, se proclame l’auteur d’une philosophie nouvelle. À priori, cette tentative ne paraît-elle pas plus audacieuse que celle de composer un chef-d’œuvre épique ou de doubler un cap des Tempêtes ? Mais la jeunesse a l’heureux privilège d’étendre les horizons, d’agrandir les espérances, et M. D. Tarrozo, avec son incontestable talent, se croit plus que tout autre le droit de beaucoup oser. N’est-il pas, comme il le déclare dans sa préface, le plus jeune des philosophes ? Tandis qu’Auguste Comte n’a jeté qu’à l’âge de vingt-quatre ans les fondements d’une nouvelle philosophie, c’est à vingt ans tout au plus que M. D. Tarrozo pose les fondements de la sienne. La jeunesse et l’âpreté au travail, voilà deux titres qui imposent au critique l’indulgence comme un devoir, mais sans empiéter, bien entendu, sur la liberté de son jugement.

Je commence par me demander si M. D. Tarrozo a bien compris toute la responsabilité qu’il assumait en se déclarant le père d’une « philosophie nouvelle ». Pour moi, j’ai beau faire, je ne vois pas en quoi les théories exposées ou indiquées dans son livre différent des systèmes les plus récemment donnés comme nouveaux ; je ne suis même pas bien sûr que l’exposition des systèmes préférés de l’auteur soit toujours d’une exactitude rigoureuse. L’incertitude et les contradictions se montrent plus d’une fois dans son livre et en même temps les inégalités, le décousu d’une composition trop hâtive, succédant à une lecture fiévreuse, intense, encore mal digérée. Trop souvent le jeune auteur fournit des armes contre lui-même. Selon ses propres paroles, « le positivisme repose sur une erreur de logique qui consiste à admettre comme certain ou décidé cela même qui était en question, c’est-à-dire : 1o si les idées que nous avons de ce que nous jugeons connaître sont ou ne sont pas positives ou définitives ; 2o si l’inconnu actuel est ou non inconnaissable. » Après cette déclaration, l’auteur ajoute que sa philosophie n’a rien de commun avec le positivisme que la méthode. N’est-ce donc rien que cela ? Mais la méthode, et il en prend pour garant M. Littré, vaut souvent mieux que les doctrines proprement dites. M. D. Tarrozo procède d’Auguste Comte beaucoup plus qu’il ne le voudrait. La preuve, c’est qu’après avoir indiqué sa propre dogmatique, dont la conclusion est le doute absolu, le jeune novateur n’a rien de plus pressé que d’établir une classification des sciences, dont voici la distribution : Mathématiques, Chimie, Physique, Astronomie, Globologie, Biologie, Zoopsychologie (Zoosociologie), Anthropologie (Psychologie), Sociologie. Assurément, si Auguste Comte n’avait pas dressé sa classification des sciences, M. D. Tarrozo aurait été fort embarrassé d’en présenter une à son tour. Mais passons,

En quoi consiste, selon l’auteur lui-même, la nouveauté de sa phi-