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notices bibliographiques

politiques, l’auteur vient en philosophe dire librement ce qu’il pense de l’enseignement religieux. Il le rejette de l’instruction à tous les degrés, au nom de la liberté de la famille, de l’enfant, de la science. L’enseignement religieux, basé sur la philosophie du sentiment, n’a rien de commun avec la certitude morale ou scientifique, les seules qu’admette P. Siciliani.

Il s’élève avec autorité contre la théorie qui, depuis les Grecs, fait de l’homme un animal religieux, μυστικὸν ζῷον. Pour lui, comme pour les Latins, l’homme est un animal raisonnable et scientifique. Par conséquent, ni l’État, ni l’Église, ni la famille ne sauraient en aucune façon revendiquer, en dehors de la certitude scientifique, le droit d’enseigner les mineurs. La conclusion est précise et nette. Pour la graver plus profondément dans l’esprit de ses auditeurs, le conférencier leur laisse en souvenir quelques bonnes et belles citations (luoghi d’oro), ayant trait à la question de l’enseignement dogmatique, qu’il a recueillies dans les auteurs les plus divers, Bain, Spencer, Rousseau, J. et S. Mill, Rabelais, d’Azeglio, Locke, G. de Humboldt, Vicleff, Gœthe, saint Paul, l’Ecclésiaste, Mme Girard ; de toutes ces sentences topiques, nous n’en reproduirons qu’une seule, de Vicleff : « Dieu ne peut obliger l’homme à croire ce qu’il ne peut comprendre. »

La Réforme de l’enseignement de la pédagogie contient bon nombre de vérités qui vont à l’adresse de notre enseignement tout aussi bien qu’à l’adresse de l’enseignement italien. Est-il besoin de le dire, les membres de l’Université appartenant à l’enseignement secondaire ne sont pas, en général, assez convaincus que la science qui enseigne à enseigner, la pédagogie, « a ou devrait avoir une importance capitale parmi toutes les matières étudiées dans les écoles normales et incorporées dans les programmes des examens. » Je sais bon nombre de professeurs, d’un mérite éminent, qui nient l’utilité de cette science ; pour eux, l’éducation est un art avant tout, et cet art appartient à tout homme de savoir et de bonne volonté. Il n’y a pas de méthode éducative : chacun se fait la sienne, d’après son idiosyncrasie physique, intellectuelle et morale. On n’apprend pas plus à enseigner qu’à se servir de ses organes de respiration et de nutrition.

Au scepticisme de ces maîtres de l’éducation sans théories s’opposent l’opinion et la foi des plus grands penseurs de tous les pays du monde, qui appellent de leurs vœux la réforme de toute l’institution didactique et qui la demandent aux vérités établies par la pédagogie, ce rameau d’or de la philosophie expérimentale. Je suis bien convaincu, pour ma part, comme P. Siciliani, « que les matières propres de l’enseignement normal restent presque toujours œuvre morte, quand elles ne sont pas unifiées et vivifiées au moyen d’une synthèse large mais sévère, à laquelle nous pouvons nous élever seulement par les principes d’une pédagogie conduite selon des vues proprement scientifiques. »

Bernard Perez.