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ANALYSES. — APPEL. La science du langage.

seur Leskin a eu une influence décisive sur la science du langage, autant par un ouvrage important sur la déclinaison slavo-lithuanienne et germanique que par ses leçons. C’est de son école que sont sortis tous les savants que l’on désigne en Allemagne sous la dénomination de l’école des jeunes grammairiens, dont les représentants les plus distingués sont MM. Brugmann, Osthoff et Paul.

En se fondant sur leurs recherches, MM. Osthoff et Brugmann ont exposé ces principes : La recherche du langage sur le papier et dans le livre, faisant abstraction de celui qui parle et ayant surtout en vue les langues antiques et mortes, ne peut donner des idées exactes sur la nature du langage ni sur les conditions de son développement. Le point de départ de ces recherches ne devrait jamais être les langues antiques mortes, mais les langues modernes vivantes et surtout les observations immédiates dans le domaine des dialectes parlés. Celui qui observe ces derniers a surtout l’occasion de se convaincre de la valeur des lois phonétiques comme processus purement mécanique et de l’importance du principe psychologique de l’association ; l’analogie des philologues n’est qu’une espèce particulière de l’association.

On doit surtout avoir présente à l’esprit l’idée qu’il n’y a d’autre langage réel que celui d’un individu déterminé, et alors il n’est qu’une fonction psycho-physiologique de son organisme. Tous les changements dans la vie des langues procèdent des individus qui les parlent. Le processus d’analogie a aussi lieu d’une manière individuelle. À une forme donnée s’attache une seconde, aux premières une troisième, et ainsi de suite. Souvent une forme simple et unique sert de principe à toute une espèce de formations indéfinies.

On doit distinguer deux éléments de la vie du langage : 1o l’élément physiologique : changements dans le domaine des sons de la langue, dans des limites déterminées chronologiquement et topographiquement ; ces changements ont lieu d’après des lois déterminées absolues ; — 2o l’élément psychologique : changements dans les formes du langage, déterminés par des associations, par lesquelles les formes ou les sons, ayant une analogie quelconque, s’assimilent. Toutes les prétendues exceptions des lois phonétiques s’éclaircissent aisément par des conditions physiologiques (par exemple l’influence de l’accent) ou par l’action psychologique de l’association. Il faut donc espérer que le domaine de l’exceptionnel, de l’irrégulier disparaitra aussi bien du langage que de la science.

Ces lois déterminées des processus phonétiques s’expliquent dans l’individu par l’unité des conditions anatomiques et physiologiques, dans la nation par l’action aussi bien des causes physiques, climat, construction des organes vocaux, que par des causes morales ou plutôt sociologiques et surtout sur limitation, M. Osthoff n’a pas encore pensé à y ajouter l’hérédité, dont l’action puissante sur l’unification de la langue est déjà prouvée dans le domaine de la psychologie.

La valeur des lois phonétiques a été encore objet des recherches d’autres savants. Le professeur Delbrück s’en est occupé, mais il ne leur