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ANALYSES. — A. BASTIAN. Der Völkergedanke.

controverses, la première surtout ; les théologiens, croyons-nous, savent la date exacte de son entrée dans le fœtus ; pour nous, elle doit y être en germe dès le principe ; cela seul nous semble rationnel.

La seconde question est celle-ci : Y a-t-il des catégories d’âmes, ou la différence ne viendrait-elle que de la différence d’organisation de ce que l’on considère comme son instrument ? Chez les Chinois, il y a une partie féminine (Ling) et une partie mâle (Hwan.) Il y en a même une troisième (p. 25). « Les trois âmes et les sept esprits de chaque individu sont innés et, quoique séparés du corps à la mort, peuvent de nouveau se réunir et former une autre personne, à condition de perdre toute conscience de la vie passée. Il en était (p. 29) pour qui l’âme mourait avec le corps et ressuscitait avec lui. Chez les Brahmanes, la première émanation de l’Etre suprême pénètre par la suture crânienne ; la seconde nait avec le corps ; la première, à la mort, retourne à la divine âme du monde ; mais l’âme Dschiwa, de ses cinq éléments rejette les deux plus grossiers (eau et terre) et entre dans le ciel (Swarga) ou dans l’enfer (Naraka), pour renaître plus tard.

Les Perses placent le Ferouer au-dessus du sommet de la tête, endroit vénéré aussi pour le Siamois. Laissons là les Mongols et les quatre mers qu’il leur faut traverser à la nage avant d’atteindre la tranquille mer du Nirwan. Pour les bouddhistes, l’âme principale peut être enlevée par les démons ; il faut alors recourir à la cérémonie de l’invocation de l’âme (p. 37) et comme dernière ressource à celle du rachat. À la nature dans ses vingt-quatre principes (doctrine sankhya) est opposé, comme vingt-cinquième, l’esprit ou l’âme, existant en même temps qu’elle de toute éternité, car elle est incréée. Pour Pindare et Horace l’âme est une partie du souffle divin, particula auræ divinæ. La vie de l’âme dans le corps (σῶμα, rappr. σῆμα) est une punition, selon Platon (Cratyle) et selon le platonique Schiller (les Artistes, St. 6).

Nous serons plus court sur les autres parties du livre de M. Bastian. Dès qu’on admet l’âme, principe distinct, immatériel, on est tout porté à croire que ce qui a longtemps animé le corps lui survit. De là sont sorties toutes les descriptions poétiques de l’enfer et du ciel. Ce serait une étude comparative du plus haut intérêt que celle de ces descriptions dans Homère, Virgile, Dante, Fénelon. Mais vous n’y trouverez jamais que ce que vous voyez sur la terre. Ainsi que nous l’avons dit, notre auteur se borne à étudier le culte des aïeux et des mânes. Enfin, M. Bastian étant à la fois philosophe et médecin, personne n’était plus compétent que lui pour traiter tout ce qui se rattache aux névropathies, aux possédés, au chamanisme, à tous les genres de surexcitation nerveuse.

Nous préférons de beaucoup ces deux derniers livres à celui dont nous avons parlé d’abord, Ils ont sur lui l’avantage de la clarté. Là, le titre déjà est obscur (Der Vülkergedanke, etc.) et a besoin d’une explication. Apôtre inspiré de sa science, M. Bastian ne se demande pas toujours si le lecteur peut le suivre ; il abuse de la parenthèse, ce qui souvent rend ses périodes inextricables ; il n’indique pas suffisamment