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ANALYSES. — L. NOIRÉ. Das Werkzeug.

à un usage déterminé, il fabrique de véritables outils, d’abord en pierre, en os et en corne, plus tard en métal.

4. L’homme parvient à combiner ensemble plusieurs outils pour produire certains effets, par exemple le marteau et le ciseau. Ce progrès le conduit à l’invention de l’arme.

Enfin en dernier lieu il crée la machine.

Disons seulement quelques mots des principaux outils fabriqués.

Les premiers outils fabriqués devaient d’abord différer fort peu des outils non fabriqués de la deuxième époque. Ils avaient le même but, remplacer le travail des dents. Ce furent de grossiers couteaux de pierre, des racloirs, grattoirs, perçoirs, capables de servir aux usages les plus divers. L’action de ces outils primitifs s’exerça d’abord immédiatement sous la main, dont ils suivaient tous les mouvements. Un progrès important fut la découverte de l’outil pourvu d’un manche, et dont l’action s’exerce en dehors et à quelque distance de la main, c’est-à-dire de la hache. Ce fut probablement l’usage de la mâchoire de l’ours des cavernes qui conduisit l’homme à l’importante invention de la hache. Le maxillaire inférieur, muni de son énorme canine, formait une sorte de pioche naturelle. Quand l’homme devint capable d’isoler dans sa conscience la dent, qui souvent se cassait et qu’il fallait remplacer, de l’os qui lui servait de manche, il put imaginer de combiner la pierre aiguë ou coupante avec un manche en os ou en corne, et il trouva la hache.

Un autre progrès, qu’il dut faire à peu près à la même époque, consista à augmenter l’action des outils perçants en leur imprimant un mouvement de rotation. Ce progrès fut d’une influence capitale sur la destinée future de l’homme, car il conduisit à la découverte du feu. Il est fort vraisemblable en effet que c’est en essayant de faire pénétrer un pieu aiguisé de bois sec dans un autre morceau de bois également sec, par un rapide mouvement de rotation, que l’homme vit jaillir sous son effort les premières flammes. La flamme qu’il avait produite lui appartenait dès lors. Il s’était emparé du feu, et l’on sait quel rôle le feu devait jouer dans son développement ultérieur.

Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré à l’arme. M. Noiré pense que l’outil avait déjà atteint un assez haut degré de perfection quand J’arme fut trouvée à son tour, et que probablement la hache fut l’intermédiaire par lequel l’homme passa de l’instrument de travail à l’instrument de combat. La hache est elle-même une arme, et pendant longtemps l’homme ne dut pas en connaître d’autre. La horde primitive apprit sans doute de bonne heure à s’en servir, soit pour attaquer les bêtes sauvages, soit pour protéger contre les hordes voisines et rivales la proie conquise. Or c’est probablement au milieu de ces chasses et de ces combats à la hache que fut inventée l’arme véritable, l’arme de jet. L’homme dut comprendre de bonne heure l’avantage qu’il y a à frapper de loin, et aucun instrument mieux que la hache ne pouvait lui apprendre à agir à distance. Le maniement de la hache, en effet, consiste précisément