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objective ; et le monde intérieur se compose de ces mêmes représentations avec leurs conditions subjectives, changeantes, les sentiments et volitions concomitants. Le physicien peut donc répondre en toute sécurité La physique cherche à mesurer des représentations objectives par des représentations objectives ; il mesure donc le semblable par le semblable. Le psychologue peut répondre de même La psychologie cherche à mesurer des représentations par des représentations, et, si elle mesure des représentations purement subjectives par des représentations objectives, celles-ci ne cessent pas pour cela d’être des représentations, et par conséquent il y a encore similitude entre les objets mesurés.

Nous arrivons maintenant à la deuxième assertion de Zeller, qui se décompose en deux points : 1o On ne peut obtenir une mesure absolue dans le domaine psychique ; on en est donc réduit à déterminer des mesures relatives. 2o Cette dernière elle-même ne peut être formulée en nombres précis, et par conséquent elle est aussi impossible.

Il n’est aucun psychologue qui se flatte de pouvoir établir dans son domaine des constantes absolues, comme les nombres par lesquels nous exprimons la pesanteur, les unités éiectro-statiques, électro-dynamiques, etc. Les faits psychiques sont d’une trop grande complication. Mais, même en admettant qu’une mesure absolue du fait psychique soit à jamais impossible, la possibilité d’une mesure numérique ne serait pas exclue pour cela. Zeller lui-même le reconnaît pour un certain domaine, celui des sensations, en faisant remarquer que la loi de Weber traduit ce fait que notre mesure des états psychiques est entièrement relative. Mais la loi de Weber n’a pas été trouvée par des spéculations philosophiques ni par l’observation intérieure, mais bien par des mesures expérimentales, et elle se traduit elle-même en nombres. Comment concilier Zeller avec lui-même, lorsque non seulement il accepte cette loi, mais l’étend à tout le domaine de la sensibilité ?

Toutes les mesures de cette espèce, ajoute-t-il, ne se rapportent qu’à l’intensité des sensations. Leur qualité est toujours restée jusqu’ici inaccessible à la mesure et le restera toujours. Seule, l’appréciation des intervalles musicaux qui reposent sur des marques qualitativ es fait exception. Ce raisonnement, répond Wundt, n’est pas clair Ou bien par « mesure des faits psychiques » on entend une disposition immédiate de notre conscience à comparer ses états en les mesurant, et alors le cas cité en est un exemple, sur quoi que puisse reposer la différénce des intervalles musicaux. Ou bien on entend un procédé expérimental, et dans ce cas les théories dont