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NOTES ET DOCUMENTS. — sur la psycho-physique

temps avant lui par Fechner, Bernoulli, Laplace, etc. Wundt rappelle ses premiers travaux à ce sujet. S’il s’agit d’une question de priorité sur le fait d’avoir soumis à une loi exacte la relativité des faits psychiques, l’honneur en revient à E. H. Weber ou, en tout cas, à Daniel Bernoulli. Il n’y a donc pas lieu d’insister.

Les objections de Zeller contre la mensurabilité des phénomènes psychiques peuvent se réduire à deux points dont l’un est plutôt spéculatif, l’autre plutôt empirique. Les voici : Les faits psychiques ne sont pas mesurables : 1o parce que tout essai de mesure est en contradiction avec les conditions que toute mesure doit remplir ; 2o parce que, en fait, tous les essais à cet égard ont échoué. Nous allons examiner ces deux points.

Les faits psychiques, dit Zeller, ne nous sont connus que par la conscience ; ils ne peuvent donc être comparés qu’avec d’autres faits de conscience et mesurés par eux. Mais de quelle unité de mesure faut-il partir ? Lorsque nous comparons deux états de conscience donnés, le premier est l’étalon auquel nous rapportons le second. Tout essai de mesure ne donne donc qu’une détermination de rapport, toujours variable, inexprimable en nombre. Quand nous disons, par exemple, que nous nous amusons bien ou mal, nous nous reportons par le souvenir à la manière dont nous nous amusons habituellement. Mais il n’y a aucune réponse possible à cette question : De combien tel amusement l’emporte-t-il sur tel autre ? De plus, tous les changements dans la nature sont des mouvements, simples où en groupes, et ils sont comme tels réductibles à des grandeurs d’espace, c’est-à-dire à des éléments irréductibles ; mais, comme les faits de conscience ne sont pas réductibles à des mouvements, ils ne sont pas réductibles à une pareille mesure.

Avec un pareil raisonnement, réplique Wundt, on pourrait soutenir que tous les phénomènes naturels extérieurs ne sont pas mesurables au point de vue philosophique : et cependant c’est sur cette mesure que reposent la physique et la mécanique. On pourrait dire en raisonnant comme Zeller : Tout phénomène n’est mesurable que par un phénomène semblable. La sensation est notre seul moyen de connaître le monde extérieur. La sensation est un état de conscience totalement différent du mouvement mécanique. Donc tout essai de mesure est illusoire.

Ces deux argumentations reposent sur le même sophisme. Elles partent de cette fiction qu’il y a un monde en nous et un monde hors de nous, qui se touchent à leurs extrémités, mais qui n’ont rien de commun. Fiction insoutenable, car le monde extérieur se compose de ces représentations auxquelles nous attribuons une valeur