Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
527
P. TANNERY. — anaximandre de milet

négatifs seront au contraire : la condensation des molécules, la transformation de la chaleur en travail, le transfert de la chaleur d’une source froide à une source chaude.

La question est de savoir si un cycle de phénomènes donné est ou non réversible, si les transformations négatives balancent toujours les positives, si elles peuvent les surpasser, ou si, au contraires comme le prétend Clausius, elles leur sont nécessairement inférieures.

L’argument capital de sa thèse est le suivant : un cycle de transformations donné n’est nullement réversible, parce que le transfert de la chaleur d’une source chaude à une source froide s’opère naturellement sans dépense et sans entraîner de phénomène inverse, tandis que le transfert de la chaleur d’une source froide à une source chaude exige la transformation préalable de chaleur en travail, puis celle du travail en chaleur, et correspond par suite à deux phénomènes qui se compensent. Les autres phénomènes sont directement réversibles ; mais, toutes les fois qu’il y a transport de chaleur d’une source chaude à une source froide, il y a, en faveur de l’entropie, un gain qui ne peut être autrement récupéré.

Ainsi l’on ne prétend pas nous démontrer directement l’accroissement continuel de l’énergie calorique aux dépens de l’énergie moléculaire, mais seulement l’importance de plus en plus grande constamment acquise par les effets qui doivent caractériser l’état extrême où l’énergie calorique sera à son maximum.

Le vice de ce raisonnement est visible : les effets que l’on y compare ne sont nullement du même ordre ; les uns sont relatifs à des transformations d’énergies, les autres à la répartition d’une seule espèce d’énergie. Le rapprochement est fait à tort, et l’énumération est incomplète.

Il suffirait de remarquer qu’avant la théorie mécanique de la chaleur on admettait pour notre système solaire par exemple, d’une part, à la suite des études de Fourier, la stabilité de l’équilibre relatif des températures, de l’autre, comme conséquence des travaux de Laplace, celle de l’équilibre mécanique du soleil et de ses satellites. Comment arrive-t-on à détruire cette harmonie en s’appuyant sur un principe qui devrait au contraire la compléter ? C’est qu’après avoir assimilé la chaleur à un mouvement, on la considère comme toute autre chose dès qu’il s’agit de sa transmission.

La gravitation universelle, pour ne pas parler des autres forces moléculaires, ne se transmet-elle pas à distance, tout aussi bien que la chaleur et par une voie qui nous est tout aussi inconnue ? Pour-quoi donc procéder pour l’une autrement que pour les autres ?

Néanmoins le raisonnement serait encore assez spécieux s’il