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P. TANNERY. — anaximandre de milet

et réciproquement celle du travail en chaleur ont été démontrées comme s’accomplissant sous une équivalence fixe, sous un rapport déterminé entre l’unité servant à mesurer la chaleur et celle employée pour évaluer le travail. La chaleur peut, par suite, être considérée comme un mouvement ; mais il n’en est pas moins clair que ce mouvement réside dans les éléments les plus intimes des corps et doit être absolument distingué de celui que nous pouvons percevoir comme appartenant aux molécules visibles.

Si, dans cet ordre d’idées, on appelle énergie moléculaire d’un corps le travail que représente la constitution de ce corps, y compris les mouvements généraux et particuliers de transfert de ses molécules, mais abstraction faite de la chaleur qu’il possède, si d’autre part on désigne sous le nom d’énergie calorique le travail équivalant à cette chaleur de ce corps, la loi de la conservation des forces vives, dans les limites où elle peut s’appliquer à un système de corps non soumis à des actions extérieures au système, peut s’énoncer en disant que la somme de l’énergie moléculaire et de l’énergie calorique est constante.

Aucune de ces deux énergies ne peut décroître au-dessous de zéro ; mais on peut supposer deux états extrêmes, l’un dans lequel l’énergie calorique serait nulle, où tous les corps seraient par suite au zéro absolu de température, et où l’énergie moléculaire serait à son maximum, l’autre au contraire dans lequel l’énergie moléculaire serait nulle et par conséquent tous les corps au repos complet, dans lequel l’énergie calorique serait au contraire à son maximum, supposition qui exige d’ailleurs la répartition uniforme de l’énergie calorique ou l’égalité générale des températures, puisque l’expérience nous indique les différences de températures comme nécessairement liées à des phénomènes de transfert des molécules.

Si l’on suppose enfin qu’il soit démontré pour le système de corps dont il s’agit que l’énergie calorique va sans cesse en augmentant aux dépens de l’énergie moléculaire, il y aura, comme le dit Clausius, entropie dans ce système ; cette entropie sera la marche, sinon du premier au second des deux états extrêmes que nous avons définis, du moins de l’état où l’énergie calorique est à un minimum à l’état où l’énergie moléculaire est au contraire la plus faible possible, car on peut admettre que ces minima soient différents de zéro, s’il se peut que les transformations de chaleur en travail ou de travail en chaleur cessent d’avoir lieu à partir de certaines limites.

Ceci posé, est-il possible d’établir que notre monde est soumis à une entropie ?

Il faudrait pour cela : 1o démontrer que notre monde peut être